Des dirigeants d'Afrique de l'Ouest se sont retrouvés vendredi pour un sommet à Yamoussoukro avec pour objectif d'« éviter un enlisement au Mali » face aux « terroristes » et aux autres groupes islamistes armés qui renforcent leur emprise sur le Nord malien.

Le sommet doit permettre de « prendre d'autres initiatives pour éviter notamment un enlisement de la situation au Mali », a déclaré à l'ouverture le chef de l'État ivoirien Alassane Ouattara, président en exercice de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CÉDÉAO, 15 pays), en présence d'une dizaine de dirigeants de la région.

Ces responsables, notamment le président burkinabè Blaise Compaoré, médiateur de la CÉDÉAO dans la crise malienne, et le chef du gouvernement malien de transition Cheikh Modibo Diarra, doivent discuter des négociations en cours avec les groupes armés du nord du Mali et de l'envoi éventuel d'une force régionale dans la zone.

Ce sommet ordinaire dans la capitale politique ivoirienne intervient alors que les islamistes viennent de renforcer spectaculairement leur emprise sur cette région, qu'ils avaient conquise avec la rébellion touareg du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) depuis fin mars, chassant mercredi et jeudi le MNLA de Gao (nord-est) et Tombouctou (nord-ouest).

Le groupe islamiste Ansar Dine et le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO), considéré comme une dissidence d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), veulent imposer la charia (loi islamique) au Mali. Ils tiennent désormais les places fortes du Nord avec les djihadistes d'AQMI, après avoir supplanté le MNLA, sécessionniste et laïc.

Des djihadistes algériens en renfort



Des djihadistes algériens sont arrivés vendredi à Gao en renfort aux islamistes qui contrôlent la ville, a appris l'AFP de sources concordantes.

« Il y a une trentaine de djihadistes algériens qui sont arrivés vendredi à Gao pour participer à la sécurisation de la ville et la traque d'éventuels rebelles du MNLA » défait mercredi par les islamistes du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO), a affirmé à l'AFP une source sécuritaire régionale.

« Il est de plus en plus question que ces djihadistes poursuivent un groupe de rebelles touareg qui serait vers Gossi (85 km au sud de Gao). Ils sont venus rejoindre (Mokhtar) Belmokhtar (un chef d'Al-Qaïda au Maghreb islamique) qui est à Gao », a ajouté la même source.

Deux témoins ont affirmé avoir vu vendredi à Gao ces djihadistes algériens, reconnaissables à leur peau plus claire que celle des Maliens des communautés arabes ou touareg, et à leur tenue afghane. Ils étaient dans des véhicules pick-up quasiment neufs, d'après ces témoins.

Le calme régnait vendredi à Gao, où séjournent depuis jeudi Iyad Ag Ghaly, chef du mouvement islamiste Ansar Dine, et Mokhtar Belmokhtar.

Projet de force régionale

Ces développements « confirment l'emprise des groupes terroristes dans la région nord du Mali, et ceci contribue à aggraver la situation humanitaire des populations », a insisté Saïd Djinnit, représentant de l'ONU pour l'Afrique de l'Ouest, appelant à mettre l'accès à l'aide humanitaire au coeur des discussions avec les mouvements armés.

Il a souligné le rôle « central » du gouvernement malien de transition, qui selon lui « gagnerait à être plus inclusif et représentatif ».

Les autorités de transition en place à Bamako à la suite d'accords conclus entre la CÉDÉAO et les auteurs du putsch du 22 mars, qui a précipité la chute du Nord malien aux mains des groupes armés, apparaissent impuissantes face à la crise, et doivent composer avec une ex-junte toujours influente.

Les participants au sommet de Yamoussoukro « vont avaliser le choix de la négociation tout en confirmant que l'option militaire n'est plus une vue de l'esprit », a affirmé à l'AFP un diplomate africain.

La CÉDÉAO prépare l'envoi éventuel d'une force de quelque 3300 hommes au Mali. Mais elle a besoin, avec l'Union africaine (UA), d'un soutien international à une telle opération, et d'un appui notamment logistique des États-Unis et de la France. Un premier projet a été jugé beaucoup trop imprécis au Conseil de sécurité de l'ONU, et la CÉDÉAO revoit sa copie.

Face aux « demandes de clarification » de l'ONU, et parallèlement à la « planification opérationnelle » de la CÉDÉAO, l'UA planche sur un « concept stratégique pour le règlement de la crise au Mali » qui sera soumis aux Nations unies, a indiqué le président de la Commission de l'UA, Jean Ping.

Si certains pays comme le Niger poussent à recourir à la force, la médiation burkinabè discute avec des délégations d'Ansar Dine - à qui elle a demandé de rompre avec les « terroristes » d'Aqmi - et du MNLA.

De plus en plus sollicitée, car jugée incontournable, dans cette crise, l'Algérie plaide aussi pour une solution négociée. Le ministre malien des Affaires étrangères, Sadio Lamine Sow, est attendu dimanche à Alger.

Si la crise en Guinée-Bissau ne mobilise pas les énergies comme celle qui prévaut au Mali, les dirigeants de la CÉDÉAO entendent aussi consolider le processus de transition qui a été lancé après le coup d'État du 12 avril dans ce pays à l'instabilité chronique et gangrené par le trafic de drogue.