Julius Malema, le turbulent leader des jeunes de l'ANC, le parti au pouvoir en Afrique du Sud, a lancé plus de 2000 partisans jeudi vers la Bourse de Johannesburg, pour réclamer des emplois et une meilleure répartition des richesses dans le pays.

Rassemblés en début de matinée dans le centre-ville, les manifestants ont d'abord gagné la Chambre des mines, symbole de la puissance économique de l'Afrique du Sud, puis la Bourse de Johannesburg.

La marche se déroulait pacifiquement en début d'après-midi.

Les militants devaient se retrouver vendredi à Pretoria, à une heure de route de là, devant le siège du gouvernement.

La Ligue de Jeunesse de l'ANC (ANCYL) avait affrété des bus pour transporter les participants, venus parfois de loin, afin d'assurer le succès d'une manifestation censée mesurer le degré de popularité du Julius Malema, le jeune trublion du parti au pouvoir.

Malema, 30 ans, se présente comme le porte-parole des plus démunis, et réclame régulièrement la nationalisation des mines ainsi que l'expropriation sans compensation des fermiers blancs.

Il reproche surtout à l'ANC de ne pas faire assez, et pas assez vite, pour gommer les inégalités héritées du régime de l'apartheid. Dix-sept ans après l'avènement de la démocratie, l'Afrique du Sud compte toujours un taux de chômage supérieur à 25%, et reste l'une des nations les plus inégalitaires du monde en terme de répartition des revenus.

La marche pour «la liberté économique» de Malema a cependant fait polémique au sein même de la coalition au pouvoir en Afrique du Sud, le Parti communiste refusant de s'y associer, tandis que les syndicats se sont divisés entre eux, les uns soutenant l'initiative, les autres la rejetant.

Les autorités redoutaient notamment des débordements, voire des violences.

D'importantes forces de police avaient été déployées par précaution.

Le 30 août, lorsque Julius Malema avait comparu devant un conseil de discipline de l'ANC pour insubordination, ses partisans avaient affronté la police devant le siège du parti, et les images des échauffourées avaient fait le tour du monde.

L'ANC considère aussi qu'une manifestation antigouvernementale organisée par sa propre filiale est une erreur politique. «Marcher sur le siège du gouvernement envoie un message négatif, et montre l'ANC en guerre avec lui-même», a déploré le secrétaire général du parti, Gwede Mantashe.

Le Comité exécutif du parti au pouvoir a cependant cherché à concilier les positions, en affirmant que «les objectifs de la marche (étaient) légitimes».

«Les questions socio-économiques soulevées par l'ANCYL sont d'authentiques préoccupations de notre société, et sont à l'agenda de l'ANC et du gouvernement», affirme le comité exécutif.

Arrivé à la Chambre des mines, Malema a remis un mémorandum au président de cette institution, Bheki Sibaya, un Noir que Malema a présenté comme «le visage du monopole capitalistique blanc».

La Chambre des mines, qui avait prévu un plan d'évacuation en cas d'incident, avait fait tendre une banderole sur sa façade proclamant: «Nous sommes d'accord avec vous : il y a trop de chômage et trop de pauvreté».

«Nous comprenons l'appel de l'ANCYL aux nationalisations», a admis M. Sibaya, «et nous les avons invités à réfléchir avec nous à la façon dont la liberté économique peut être atteinte sans passer par les nationalisations».

Dans la manifestation, Mpho Mokgehle, 28 ans, expliquait qu'«elle ne serait pas là si elle avait du boulot».

D'autres participants soulignaient les conditions de vie intenables dans les quartiers pauvres: «Certains d'entre nous n'ont pas d'eau courante, pas de toilettes», témoignait Makhanye Mduduzi, 26 ans.