Un attentat à la voiture piégée a secoué mardi Mogadiscio, faisant 5 morts, alors que deux ministres kényans y séjournaient et que les shebab multiplient les menaces de représailles depuis le début de l'intervention militaire kényane dans le sud somalien.

Depuis que Nairobi a confirmé, dimanche, l'envoi de troupes pour combattre les insurgés islamistes shebab qu'elle rend responsables des récents enlèvements d'Européennes sur son territoire, l'armée kenyane, appuyée de forces pro-gouvernementales somaliennes, dit avoir pénétré jusqu'à 120 km en Somalie.

Les shebab, qui nient toute implication dans l'enlèvement des Espagnoles de Médecins sans frontières (MSF) Montserrat Serra et Blanca Thiebaut, de la Française Marie Dedieu et de la Britannique Judith Tebbutt, multiplient les menaces de représailles contre Nairobi.

MSF «ne dispose d'aucune information sur l'identité et les objectifs des auteurs de l'enlèvement de ses deux employées», a indiqué l'organisation dans un communiqué. Elle «se dissocie totalement de toute action armée liée à l'enlèvement et de toute déclaration en ce sens».

MSF se dit en outre «très inquiète de tout usage de la force lié à l'enlèvement qui pourrait mettre en danger la sécurité et la libération rapide de ses employées».

La forte explosion qui a frappé la capitale somalienne mardi est survenue vers 15h locales (8h heure du Québec), alors que les ministres kényans de la Défense, Yusuf Haji, et des Affaires étrangères, Moses Wetangula, se trouvaient à quelques kilomètres, au palais présidentiel de Mogadiscio.

«C'était une voiture chargée d'explosifs, qui visaient des cibles somaliennes clés à Mogadiscio,» a affirmé devant la presse le ministre somalien de l'Intérieur. Abdulahi Hassan Barise, porte-parole de la police somalienne, a de son côté accusé les shebab d'être cette attaque.

Aucun bilan officiel n'était disponible à ce stade, mais des témoins et des sources hospitalières ont parlé de cinq morts, tous des civils, en plus du kamikaze. Neuf autres personnes ont en outre été blessées.

La visite des responsables kényans a toutefois été l'occasion de signer, avec le ministre somalien de la Défense, un accord de coopération pour le lancement d'opérations militaires et de sécurité, qui limiterait les interventions kényanes à la région somalienne frontalière du Bas Juba.

Arrestations à Dadaab

Mardi, l'armée kényane, qui laisse filtrer peu d'information sur son opération et sa durée, a assuré qu'elle ne se laisserait pas intimider par les menaces shebab. Mais la police a affirmé avoir renforcé la sécurité et ses systèmes de renseignement, notamment dans la capitale kényane.

Dans les camps de réfugiés de Dadaab, situés à une centaine de km de la frontière somalienne et où les plus récents enlèvements ont eu lieu, la police a aussi affirmé avoir arrêté dix personnes, soupçonnées de lien avec les shebab.

«Cela fait partie des mesures de sécurité que le gouvernement prend pour s'assurer que le Kenya est libéré des shebab,» a déclaré Leo Nyongesa, chef de la police de la province du Nord-Est.

Les shebab ont plusieurs fois menacé toute puissance régionale qui aiderait le gouvernement de transition somalien, dont ils ont juré la perte.

En 2010, avec un attentat suicide à Kampala qui avait fait 76 morts, ils avaient déjà voulu punir l'Ouganda pour sa participation à la force de l'Union africaine en Somalie.

Les insurgés, qui se revendiquent d'Al-Qaïda, ont épargné jusqu'ici d'une attaque d'envergure le Kenya, qui a largement servi de base logistique et financière aux islamistes.

Mais Nairobi garde tout de même en tête le sanglant souvenir d'un attentat revendiqué à l'époque par Al-Qaïda: celui contre l'ambassade américaine en 1998, qui avait fait 213 morts et environ 5000 blessés en plein coeur de la capitale.