Prince Johnson, un des anciens chefs de guerre du Liberia, a créé la surprise au premier tour de la présidentielle du 11 octobre en arrivant troisième, selon des résultats officiels encore partiels, rejetés samedi par l'opposition.

Les derniers résultats de vendredi, portant sur un peu plus de la moitié des quelque 4.500 bureaux de vote, donnent la présidente sortante Ellen Johnson Sirleaf, Nobel de la paix 2011, en tête avec 45,4% des voix, suivie de son principal opposant Winston Tubman (29,5%) et de Prince Johnson (11,4%).

Les jugeant «truqués», neuf partis d'opposition, dont ceux de MM. Tubman et Johnson, ont affirmé samedi qu'ils étaient «nuls et non avenus» et ont décidé de se retirer du processus électoral en cours.

Pour Alvin Wright, analyste politique libérien, la troisième place de Johnson est «surprenante, car pas un de nous n'aurait pensé qu'il serait entendu».

Il estime que ni Winston Tubman, ni même Ellen Johnson Sirealf, tout juste auréolée de son Nobel de la paix et très appréciée de la communauté internationale, ne craindrait de chercher à obtenir son soutien si l'opposition revenait sur sa décision et si un deuxième tout devait être organisé.

La présidente sortante «veut ce fauteuil» présidentiel et s'il faut «négocier avec le diable pour l'avoir», elle le fera, dit-il.

Dans sa propriété de Monrovia cernée par de hauts murs ocres surmontés de barbelés, entouré de gardes du corps, de partisans et de plusieurs de ses 12 enfants, l'ex-chef de guerre de 59 ans donne l'image d'un bon grand-père, loin de celle du «général» en treillis torturant en 1990 l'ancien président Samuel Doe.

Il s'était alors laissé filmer en train de savourer une bière en regardant ses hommes infliger les pires sévices à Doe, avant de trancher lui-même un bout de l'oreille du chef de l'État et de le jeter par-dessus son épaule.

La mort de Samuel Doe avait suivi, son corps placé dans une brouette et exhibé dans les rues de Monrovia.

Lorsqu'on l'interroge aujourd'hui sur ce film qui l'a rendu tristement célèbre à travers le monde, il répond avec un regard perçant: «Quelle vidéo?».

«Samuel Doe a ordonné aux soldats de brutaliser et de tuer de façon horrible un président, mon président», se justifie-t-il en référence au coup d'État sanglant commis en 1980 par Samuel Doe pour renverser le président d'alors, William Tolbert.

La mort de Doe fut l'un des premiers épisodes sanglants qui allaient faire basculer le Liberia dans des guerres civiles qui, jusqu'en 2003, ont fait quelque 250.000 morts et détruit son économie.

Prince Johnson, sénateur de sa région d'origine de Nimba (nord), se dit chrétien depuis toujours et n'exprime aucun regret sur un passé qu'il semble cependant vouloir oublier.

«Je ne peux pas être poursuivi, je n'ai rien fait de criminel. (...) Je me suis battu pour la défense de mon pays, de mon peuple qui était mené à l'abattoir, comme on le fait pour des poulets et des chèvres, par le régime Doe», affirme-t-il. Et d'ajouter: «Il y a des circonstances qui changent les gens, qui les régénèrent (...). J'ai changé, mon action le prouve, regardez l'énorme soutien dont je bénéficie dans le pays».

Pour Aaron Weah, du Centre international pour une justice de transition à Monrovia, la troisième place de Johnson prouve l'impunité dont bénéficient de nombreux criminels de guerre au Liberia: «C'est terriblement mauvais, on ne devrait jamais donner à des gens comme Prince Johnson la chance de participer aux affaires publiques».