La forte participation au référendum sur l'indépendance du Sud-Soudan a été assombrie mardi par l'annonce de la mort de 33 personnes lors de combats ces derniers jours dans la région contestée d'Abyei, à la lisière entre le Nord et le Sud du plus grand pays d'Afrique.

De longues files d'attente s'étendaient lundi, au deuxième jour du scrutin, devant les bureaux de vote de Juba, la capitale du Sud-Soudan, de même qu'à Rumbek et Wau, deux importantes villes de cette région semi-autonome, selon des journalistes de l'AFP sur place.

«C'est un long périple, mais je me devais de venir voter. C'est important de voter pour la liberté», estime Combi Martin, un étudiant qui a pédalé deux jours sur son vélo afin de se rendre de son village à Rumbek.

Mais cette impressionnante participation a été assombrie par les combats continus dans la région d'Abyei, zone frontalière revendiquée par le Nord et le Sud-Soudan.

Des affrontements armés opposent depuis vendredi la tribu sudiste Dinka Ngok et les nomades arabes Misseriya dans un secteur situé près du Bahr al-Arab -ou rivière Kiir- à l'intérieur de l'enclave d'Abyei.

«Ils nous ont attaqués trois fois jusqu'à présent, et nous nous attendons à d'autres attaques aujourd'hui. Au cours de ces trois attaques, les Misseriya ont tué entre 20 et 22 Dinka», a déclaré à l'AFP l'administrateur en chef de la région contestée d'Abyei, le sudiste Deng Arop Kuol.

Les Misseriya, nomades arabes qui migrent chaque année du Nord vers Abyei en quête d'eau et de pâturage pour leur bétail, ont de leur côté accusé les Dinka Ngok d'avoir initié les hostilités. «Treize Misseriya ont été tués depuis vendredi et 38 blessés», a déclaré à l'AFP Hamid al-Ansari, un des leaders Misseriya.

«Une patrouille de l'ONU est sur le terrain afin d'évaluer la situation», a déclaré à l'AFP Kouider Zerrouk, porte-parole de la mission de paix de l'ONU au Soudan (Unmis).

La secrétaire d'État Hillary Clinton, appelant les pays de la région à soutenir Khartoum et Juba, a déclaré lundi qu'il fallait «aider le peuple du Sud-Soudan à subvenir à ses nombreux besoins» et «travailler avec le Nord et y investir pour qu'il voit les bénéfices d'une action très courageuse qui a permis de passer d'une situation de conflit à une situation de compromis».

Paris a exhorté Nord et Sud à s'engager à «maintenir la paix» quel que soit le résultat du référendum.

Le gouverneur de l'État du Kordofan-Sud, Ahmed Haroun, s'est rendu dimanche à Abyei afin de calmer le jeu entre les deux tribus. «Ahmed Haroun est venu dimanche, la seule chose qu'il voulait était sécuriser l'accès à l'eau pour les Misseriya», a accusé M. Kuol, signe du climat de méfiance régnant dans cette région.

Un référendum sur le rattachement d'Abyei au Nord ou au Sud devait avoir lieu dimanche, mais il a été repoussé sine die en raison de différends sur l'éligibilité des électeurs.

Près de quatre millions de personnes sont inscrites sur les listes pour le référendum d'autodétermination du Sud-Soudan. Les analystes, et même la classe politique à Khartoum, pronostiquent une victoire de l'option sécessionniste.

Mais au moins 60% des électeurs inscrits doivent voter afin que le résultat du référendum soit valide. Les responsables politiques sudistes avaient donc appelé la population à se rendre en masse aux bureaux de vote dès le début du scrutin.

Ce scrutin est le point-clé de l'accord de paix global ayant mis fin en 2005 à plus de deux décennies de guerre civile entre le Nord, musulman et en grande partie arabe, et le Sud, afro-chrétien, appelé à devenir le 193e pays de la planète, et l'un des plus pauvres.