Au plus profond du Sud-Soudan, les habitants de Nyal ont commencé lundi à s'enregistrer pour le référendum d'autodétermination du 9 janvier et mettre fin, selon eux, à la tutelle du Nord sur le Sud.

Encerclée par les marécages à perte de vue, Nyal offre l'aspect d'une oasis verdoyante de huttes grises aux toits de chaume, traversée par une piste d'atterrissage. En saison des pluies, le village devient une île, que seules des petites embarcations permettent de relier aux autres centres commerciaux de cette partie sud de l'État.

Reste qu'en ce lundi, les opérations d'enregistrement des électeurs se déroulent le plus normalement du monde, dans une salle de classe de la Nyal Unity primary school: trois agents en chasuble jaune y délivrent au compte-goutte les précieux sésames.

«Nous avons ouvert le bureau à 08h00 heure locale (01h00, heure de Montréal). Les gens sont très contents. Nous avons reçu les cartes le 10 novembre et nous en avons assez pour tout le monde», se félicite le responsable en chef du centre, John Gatluak Puok.

Une dizaine d'hommes patientent tranquillement en attendant leur tour, l'un d'eux l'oreille collée à son transistor, à l'écoute de l'édition matinale du journal de la BBC. On y parle du Soudan...

À Nyal, bourgade reculée situé dans l'État pétrolier sudiste d'Unité, près de la frontière du nord, la guerre civile Nord-Sud (1983-2005) est dans toutes les mémoires et le référendum du 9 janvier perçu comme l'occasion historique de tourner la page, définitivement.

«Le Soudan a obtenu son indépendance en 1956 mais comme vous le voyez, il n'y a rien ici. L'éducation n'est pas bonne, nous n'avons pas d'infrastructures. C'est pourquoi nous devons nous séparer du nord», explique à l'AFP Matay Dar, 29 ans, le premier arrivé devant le guichet lundi matin.

«Ils (les gens du nord) utilisent nos ressources et nous n'en voyons pas les bénéfices», ajoute-t-il, relayant un grief largement partagé par les autres futurs électeurs.

«Les champs pétroliers (de l'État d'Unité) sont à présent aux mains des arabes et nous voulons tirer profit de ces ressources», renchérit Dol Kam Keat, 30 ans.

À Nyal comme ailleurs dans l'État, une détermination sans faille à organiser le référendum et voter en masse pour l'indépendance transpire de chaque conversation.

«Vous savez, en 2001, le village a été pillé et entièrement brûlé par une milice (commandée par Gadtiet Yaka) équipée et armée par le Nord», se souvient M. Keat. Ce dernier a dû fuir le pays, direction le Kenya où il a passé six ans dans le camp de réfugiés de Kakuma avant que la paix revenue ne l'autorise à rentrer dans son pays.

Il tient désormais sa carte d'électeur en main. Pour lui comme pour les autres, les affiches invitant les électeurs à ne pas perdre leur carte («Vous en aurez besoin pour voter!») sont superflues: le 9 janvier 2011, Matay, Dol et les autres seront devant l'école, à la première heure, pour voter en faveur de l'indépendance.

Des critères ethniques

L'inscription des électeurs pour le référendum d'indépendance du Sud-Soudan de janvier est fondée sur des critères ethniques dont l'interprétation pourrait miner la période d'enregistrement qui a commencé lundi.

Environ cinq millions de Sud-Soudanais sont appelés à s'inscrire entre le 15 novembre et le 1er décembre sur les listes leur permettant de participer au référendum.

Si la logistique est en place pour l'inscription des électeurs, la question de savoir qui peut voter est loin d'être claire et pourrait compliquer la tâche des employés de la commission.

La commission, en s'appuyant sur la loi référendaire adoptée en décembre 2009, a déterminé trois catégories d'électeurs.

Premier cas: les personnes qui étaient âgées de plus de 18 ans avant ou au premier janvier 1956 -date de l'indépendance du Soudan et de la fin du condominium égypto-britannique- et membres d'une tribu établie au Sud-Soudan. Elles peuvent s'inscrire au Nord ou au Sud-Soudan ou à l'étranger.

Mais, les autorités soudanaises n'ont pas arrêté de listes des tribus du Sud-Soudan. «Nous n'avons pas besoin d'avoir une liste (...) car les gens connaissent les tribus du Sud-Soudan», explique George Benjamin, porte-parole de la commission électorale.

Deuxième cas: les personnes ayant un ancêtre membre d'une tribu établie au Sud-Soudan, mais n'ayant pas résidé de façon permanente au Sud-Soudan avant ou depuis janvier 1956. Elles doivent se rendre au Sud-Soudan pour s'enregistrer.

Certains nordistes, notamment dans des régions limitrophes, affirment ainsi avoir des racines sudistes mais le nombre de nordistes ayant des origines sudistes n'est pas connu.

Troisième cas: les personnes n'appartenant pas à une tribu du Sud-Soudan, mais ayant vécu sans interruption dans le sud depuis 1956.

Ainsi, un commerçant arabe nordiste établi au Sud-Soudan depuis 1957, ne peut pas voter au référendum du Sud-Soudan bien qu'il réside dans cette région depuis plus de cinquante ans.

Le flou entourant ces critères peut rendre «le processus d'inscription vulnérable aux manipulations», a souligné ce week-end une ONG soudanaise SuNDE.

La publication de la liste finale des électeurs le 4 janvier conditionnera la tenue du référendum le 9 janvier.