Une vingtaine de chef d'Etat africains, soit plus d'un tiers des dirigeants du continent, ont inauguré samedi à Dakar le monument controversé de la «Renaissance africaine», avec des appels à l'unité d'un continent morcelé en 53 Etats pour réaliser les «États-Unis d'Afrique».

Le président sénégalais Abdoulaye Wade a appelé à la mise en place de ces «États-Unis d'Afrique», affirmant que «le temps du décollage était arrivé» pour un continent de plus en plus courtisé pour les richesses de son sous-sol et son marché d'un milliard d'habitants.

La «fête» a toutefois été marquée à la mi-journée par une manifestation d'un milliers de personnes, menée par les dirigeants de l'opposition, qui demandaient le départ du chef de l'Etat, âgé de 84 ans, au pouvoir depuis 2000, et qui critiquaient le coût de cette statue dans un pays pauvre.

Au pied du monument de 52 mètres, construit par des ouvriers nord-coréens et plus haut que la statue de la Liberté de New York, et devant l'assistance limitée pour raisons de sécurité à quelques centaines d'invités, le président Wade a lancé son appel devant 19 chefs d'Etat africains, selon comptage de la présidence.

Face aux nouveaux défis de la mondialisation, «seule une intégration politique des États-Unis d'Afrique nous mettra à l'abri d'une marginalisation qui risque d'être fatale» au continent le plus pauvre du monde, a-t-il dit.

Après «cinq siècles d'épreuves, d'esclavage, l'Afrique est toujours là, pliant parfois mais sans jamais rompre. Elle est debout et décidée à prendre son destin en main», a-t-il assuré.

«Les négriers sont partis, le dernier colon est parti, nous n'avons plus d'excuses», a insisté le président Wade, connu pour ses prises de position panafricanistes.

Le président en exercice de l'Union africaine (UA) et chef de l'Etat du Malawi, Bingu wa Mutharika, a également lancé un appel à l'union: «nous avons plus de choses qui nous unissent que de choses qui nous divisent. Revenons dans nos pays avec un nouvel espoir pour une Afrique nouvelle».

Le président de la Commission de l'UA Jean Ping (Gabon) ainsi que les présidents du Bénin, du Burkina, du Cap Vert, du Congo (Brazzaville), de Côte d'Ivoire, du Gabon, de Gambie, du Liberia, du Mali, de Mauritanie, et du Zimbabwe notamment, avaient fait le déplacement de Dakar.

Des artistes comme Manu Dibango et Akon ou des personnalités afro-américaines comme le révérend Jesse Jackson ont aussi participé aux célébrations.

«L'Afrique s'est appropriée ce monument. C'est une belle fête africaine», s'est félicité à l'AFP Mamadou Bamba Ndiaye, le porte-parole du président sénégalais.

Cette inauguration constitue le point d'orgue du cinquantenaire de l'indépendance de cette ancienne colonie française d'Afrique de l'Ouest, réputée pour sa stabilité politique.

Le coût de la statue, qui domine la capitale, est estimé à plus de 15 millions d'euros (20 millions de dollars), mais c'est surtout l'idée qu'un tiers des recettes puisse revenir au président Wade au titre de droits d'auteur comme concepteur de la statue qui a été vivement critiquée.

Pour ses promoteurs, l'imposante structure représentant un couple avec leur enfant, symbolise «une Afrique sortant des entrailles de la terre, quittant l'obscurantisme pour aller vers la lumière».

Et elle est comparée à la Tour Eiffel à Paris, la Statue de la liberté à New York, ou le Christ Rédempteur à Rio de Janeiro.

Dans la matinée, plus d'un millier d'opposants avaient battu le macadam pour signifier leur colère: «Signons le départ de Wade», «Le peuple exige une éthique de gouvernance et rejette la gestion mafieuse du clan Wade», pouvait-on lire sur des banderoles.

L'opposition avait demandé aux Sénégalais et aux chefs d'Etat étrangers de boycotter l'inauguration.