Après un mois de crise autour de la liste des votants, le président ivoirien Laurent Gbagbo a dissous vendredi le gouvernement et la commission électorale, et demandé à Guillaume Soro de former une nouvelle équipe chargée d'organiser la présidentielle reportée depuis 2005.

Chef de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) qui contrôle le Nord du pays depuis le coup d'Etat manqué de 2002, M. Soro est reconduit au poste de Premier ministre qu'il occupe à la suite de l'accord de paix de 2007.

Coutumier des lenteurs et accidents de parcours, le processus électoral qui doit conduire au scrutin censé clore la crise de 2002 a connu au cours du mois écoulé ses plus graves difficultés.

Il a été quasiment paralysé par la polémique autour du chef de la Commission électorale indépendante (CEI), Robert Beugré Mambé.

M. Mambé est accusé par le président Gbagbo, ses partisans et une enquête du parquet d'avoir «mené une opération illégale visant à obtenir l'inscription frauduleuse de 429.030 personnes sur la liste électorale».

Cette controverse s'était accompagnée depuis la semaine dernière de violences dans l'intérieur du pays: des manifestants d'opposition protestaient contre des procès en radiation d'étrangers présumés de la liste. La question de la nationalité est au coeur de la crise ivoirienne.

«Nous ne sommes pas face à une simple crise dans la crise», a averti M. Gbagbo, d'un ton solennel, au cours d'une allocution dans la soirée sur la télévision publique.

C'est l'accord de paix de 2007 «que l'on veut saboter» alors que «nous n'avons aucune raison de l'abandonner», a-t-il estimé.

Pour «lever toute hypothèque» sur un processus de paix «pris en otage par des partis politiques», il a annoncé, invoquant l'article 48 de la Constitution qui lui permet de prendre des «mesures exceptionnelles», deux décisions radicales: la dissolution du gouvernement et celle de la CEI.

Guillaume Soro a été chargé de proposer dès lundi un nouveau gouvernement.

La précédente équipe d'«union nationale» était composée de représentants des principaux camps: pro-Gbagbo, ex-rébellion et opposition.

Le prochain gouvernement aura pour «mission» de conduire «les dernières actions nécessaires pour sortir la Côte d'Ivoire définitivement de la crise», a affirmé le président Gbagbo.

La CEI étant également «dissoute», le chef de l'Etat a demandé au Premier ministre de lui proposer «dans un délai de sept jours» à compter de vendredi «le format d'une nouvelle commission électorale crédible qui pourra organiser les élections justes et transparentes».

Poussé vers la sortie par le camp présidentiel, Robert Beugré Mambé, qui appartient à l'opposition, s'était défendu de toute irrégularité.

Il avait, selon une source gouvernementale, refusé ces derniers jours de donner sa démission à Guillaume Soro et au «facilitateur», le président burkinabè Blaise Compaoré.

Majoritaire à la CEI, l'opposition, qui avait soutenu M. Mambé dans la tourmente, a fustigé les décisions du président Gbagbo.

«Nous ferons barrage à la dictature», a affirmé à l'AFP Anne Ouloto, porte-parole du Rassemblement des républicains (RDR) de l'ex-Premier ministre Alassane Ouattara.

M. Gbagbo a détruit «tous les acquis du processus de paix», a accusé Niamkey Koffi, du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) de l'ancien président Henri Konan Bédié.

Sans cesse repoussé depuis la fin du mandat de M. Gbagbo en 2005, le scrutin présidentiel est attendu avant juin par l'ONU.