Des locaux du parti du président soudanais Omar el-Béchir au Sud-Soudan ont été incendiés lundi après l'arrestation pendant quelques heures de dirigeants sudistes, qui devaient participer à une manifestation jugée «illégale» par les autorités.

Le président du Sud-Soudan semi-autonome, Salva Kiir, a affirmé que les locaux du parti du Congrès national à Wau, la capitale de la province de Bahr el-Ghazal occidental (sud-ouest), avaient été incendiés.

Il a toutefois démenti que le bureau de la formation à Rumbek, la capitale de l'État des Lacs (sud), ait été attaqué, contrairement à ce qu'avait auparavant affirmé un responsable du gouvernement du Sud-Soudan.

D'après ce responsable, qui n'a pas fait état de blessés, les manifestants étaient «en colère» après l'arrestation de responsables du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM, ex-rebelles sudistes).

Le secrétaire général du SPLM, Pagan Amum, ainsi que Yassir Arman, le secrétaire général adjoint du parti pour le nord du Soudan, et Abbas Gumma, secrétaire d'État au sein du ministère de l'Intérieur, avaient été arrêtés par la police à leur arrivée devant le Parlement à Omdurman, où était prévu un rassemblement pour réclamer des réformes démocratiques, selon des témoins.

Relâchés au bout de quelques heures, ils ont fêté en soirée leur libération dans les locaux de leur parti à Khartoum en compagnie de milliers de partisans, selon un journaliste de l'AFP.

M. Arman a affirmé avoir été battu pendant sa détention et avoir été blessé au pied.

«Ils m'ont emmené aux toilettes et m'ont battu jusqu'à ce que mes vêtements soient déchirés», a-t-il dit.

M. Kiir a condamné les arrestations, affirmant qu'elles violaient l'Accord de paix global (CPA) qui a mis fin en 2005 à plus de 20 ans de guerre civile entre le Nord et le Sud.

«Ces arrestations ne sont pas seulement une provocation, elles sont aussi injustifiées», a déclaré M. Kiir, également le premier vice-président du Soudan.

«Nous appelons tous les Soudanais à rester calmes (...) et à exercer leur liberté d'expression garantie par la Constitution dans le cadre de la loi», a-t-il ajouté.

M. Kiir a indiqué avoir parlé au président Béchir, qui lui aurait promis que tous les détenus seraient relâchés.

Au total, la police a arrêté plus de 70 manifestants, dont Siddig al-Tourabi, fils du vétéran de l'opposition islamiste Hassan al-Tourabi, et le responsable de la Santé au gouvernement local de Khartoum, Barmina Awrial (SPLM).

Le SPLM n'arrive pas à s'entendre avec le Parti du Congrès national du président Béchir sur des réformes démocratiques en vue des élections d'avril 2010 -le premier scrutin multipartite depuis 24 ans- et sur la loi qui doit encadrer le référendum de janvier 2011 sur la sécession du Sud-Soudan.

La police soudanaise avait averti l'opposition et les anciens rebelles sudistes que leur manifestation était «illégale».

Mais plusieurs centaines de manifestants, suivis par des policiers armés, ont défilé lundi matin dans les rues de Khartoum et d'Omdurman, brandissant des banderoles proclamant: «Nous voulons notre liberté».

Des témoins ont affirmé que la police avait fait usage de gaz lacrymogène pour disperser la foule et frappé certains manifestants à coups de bâton, ce qu'ont nié les forces de l'ordre.

Le calme était revenu dans la capitale dans l'après-midi.

Le Soudan, géant africain de 39 millions d'habitants dont près de 20 millions électeurs potentiels, est dirigé depuis 1989 par le président Béchir, mais n'a pas connu d'élections libres depuis 1986.

La période d'enregistrement des électeurs pour les scrutins -régional, législatif et présidentiel- d'avril a été prorogée jusqu'à ce lundi.