Après quatre semaines sur l'Océan Atlantique, Raïmi, fatigué et désabusé, est revenu à la case départ : Cotonou. Candidat à l'immigration clandestine, il voulait tenter sa chance en Guinée Equatoriale, l'eldorado.

Debout sur le pont du navire qui vient d'être intercepté par la force navale béninoise, sac de voyage en main, il assiste impuissant au débarquement de ses compagnons d'infortune.

L'air amaigri, déshydraté par le périple effectué avec environ 200 autres immigrés clandestins d'Afrique de l'Ouest, le Béninois de 27 ans conte entre deux grincements de dents sa mésaventure.

«Nous sommes partis du Port de Cotonou le 5 octobre et avons récupéré d'autres passagers en cours de route. J'ai payé 300 000 FCFA (environ 720 $CAD) au commandant de bord qui nous a dit qu'il s'occupait de notre transport et des formalités jusqu'à Libreville».

«Hélas, une fois au large de Libreville, nous avons été rejetés et c'est là que je me suis aperçu du leurre», raconte Raïmi, titulaire d'une licence de mathématiques. Il est décidé à bientôt reprendre le large.

Les autorités gabonaises ont arraisonné le navire le 18 octobre avant de le reconduire hors de leurs eaux territoriales en vue de son retour au Bénin, où il a été intercepté samedi soir.

Assise par terre dans le commissariat central de Cotonou où ont été conduits de nombreux passagers, Aïcha est tout aussi dépitée, mais pas prête non plus à renoncer à l'exil pour autant.

«La vie devient de plus en plus difficile au pays. Il faut partir à l'étranger pour survivre. Mon idée est d'aller d'abord au Gabon et ensuite de m'installer en Guinée Equatoriale où c'est plus facile de trouver un boulot», explique la Malienne de 26 ans. Elle s'était rendue de Bamako à Cotonou en car avant d'embarquer.

A l'image du Gabon dans les années 80, où de nombreux Béninois notamment ont investi les secteurs de l'enseignement et de l'informel, la Guinée Equatoriale, pays pétrolier, devient une nouvelle destination privilégiée des immigrés ouest-africains, selon le sociologue béninois Fiacre-Aristide Ekpangbo.

«En Europe, les blancs ne veulent plus de nous. En Afrique aussi où on parle d'intégration on nous chasse encore, mais plaise à Dieu, moi, je vais y retourner parce qu'il y a de l'argent là bas», assure Aïcha en dodelinant de la tête.

A la direction de l'immigration à Cotonou, où ont été emmenés d'autres passagers, les interrogatoires s'enchaînent. Objectif : obtenir des renseignements sur les filières et établir l'identité des clandestins pour les renvoyer chez eux.

Assise au milieu d'un tas de bagages et dans le brouhaha, Clotilde, Togolaise de 32 ans, attend son tour.

«J'ai payé pour descendre à Libreville avant de continuer sur la Guinée Equatoriale où je dois rejoindre un cousin. Une fois sur place je savais que j'allais commencer un petit commerce de pagne que j'allais faire venir de Cotonou».

«On nous chasse en France et (...) même en Afrique les gens disent que nous sommes des étrangers. Pour finir où allons nous? Après, ils nous parlent d'intégration africaine. Nous sommes en Afrique et on nous persécute quand même. Mais, moi je vais y retourner.»