Pour conquérir Port-Gentil, capitale économique du Gabon réputée farouche, Ali Bongo, candidat du pouvoir à la présidentielle, a fait dans l'humour, vantant sa propre «beauté», et brocardé des «ingrats» et «traîtres» du régime de son défunt père Omar Bongo.

Jeudi. T-shirt, jeans blancs et casquette frappée «Ali'9», Bongo fils délaisse sur la scène de la Foire, dans le centre-ville, son vocabulaire châtié et son accent parisien pour le langage «du quartier». Plusieurs milliers de personnes sont là pour l'écouter après la prestation de nombreux artistes locaux. Le 30 août, «vous allez vous retrouver devant beaucoup de bulletins, puisque nous sommes 23 candidats. (...) Arrêtez-vous sur mon bulletin blanc avec ma belle tête qui va vous regarder, mes yeux qui vont vous dire «Prends-moi! Prends-moi!» », lance Ali Bongo, 50 ans, dont le physique tient plus du lutteur japonais que du jeune premier.

Il poursuit en détaillant le bulletin et en vantant son «regard charmeur». «Tout ça pour vous dire: «Vraiment, est-ce que je ne suis pas le plus beau? Il vaut mieux prendre mon bulletin, hein», ajoute-t-il.

Se présentant comme le joueur d'un match de football -le football et la musique sont parmi ses passions les plus citées-, il invite le public à lui faire des passes pour marquer «de beaux buts».

«Mais je veux des buts propres, pas de penalty», dit-il, en mettant en garde contre des fauteurs de troubles dans cette deuxième ville du pays considérée comme un fief de l'opposition et théâtre d'émeutes lors du passage au multipartisme en 1990.

Le Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir) n'y a obtenu que 15 des 63 conseillers lors des locales de 2008, prenant toutefois la mairie grâce à des négociations avec d'autres partis de la majorité, de l'opposition et un indépendant. Port-Gentil produit la majorité de la richesse du pays à travers notamment l'activité pétrolière et la pêche.

Au public qui exulte, Ali Bongo explique qu'«un certain nombre de politiciens» ont longtemps dissuadé son père d'aller à leur rencontre: «Y faut pas aller à Port-Gentil wô, c'est dangereux là-bas! (...) On m'a aussi dit, à moi, de ne pas venir ici. (...) Pourtant, je suis là, non? Vous m'avez bien accueilli, non?», avance-t-il, en dénonçant des «gens qui ont, comme on dit, «une double bouche»».

«Pendant 20 ans, ils étaient à côté du «Boss» (un des surnoms d'Omar Bongo), ils mangeaient bien» ou «venaient nuitamment (au palais présidentiel) chercher vous savez quoi», poursuit-il, sans donner de nom, mimant un homme à la marche déséquilibrée par le poids d'une mallette d'argent. La foule rit de bon coeur.

«On nous a toujours appris au Gabon à ne pas cracher dans la soupe qui t'a nourri. Et ça, qu'on soit grand, petit, riche, pauvre, c'est un principe», affirme-t-il, retrouvant un air grave.

Durant les discours, quelques affiches roulées en boule et des bouteilles ont été lancées depuis les derniers rangs, des huées ont été entendues entre les acclamations, mais la manifestation s'est achevée sans incident. Certains jeunes se sont cependant déclarés peu convaincus où disent être venus «pour les artistes» ou «pour les T-shirts».

«Nous mangeons chez Ali mais nous allons voter (Pierre) Mamboundou!», lance une femme dans un groupe, refusant de donner son nom.

Enrique Ngoma, un jeune, affirme qu'il fera tous les meetings en (jouant) le jeu des politiciens». Il précise: «Mais mon choix, c'est André Mba Obame», ex-ministre de l'Intérieur, réputé ami de longue date d'Ali Bongo, en lice en indépendant.