L'opposant Andry Rajoelina a reçu mardi soir «les pleins pouvoirs» de l'armée malgache, à qui le président Marc Ravalomanana, contraint de démissionner, avait confié la direction des affaires quelques heures plus tôt.

Le maire de la capitale, qui avait entamé il y a trois mois un bras de fer avec le président, semble désormais solidement installé à la tête de la Grande Ile de l'Océan indien pour ce que les militaires ont appelé une «transition» politique.

Marc Ravalomanana, 59 ans, a démissionné mardi en milieu de journée et confié ses pouvoirs à un «directoire militaire», cédant aux injonctions de l'opposition et de l'armée.

Dans un communiqué, l'homme d'affaires porté au pouvoir en 2002 par un élan populaire indiquait que ce «directoire militaire (était ) dirigé par le plus ancien dans le grade le plus élevé, toutes armes confondues», soit le vice-amiral Hippolyte Rarison Ramaroson.

Mais ce nouvel organe n'aura été que transitoire: quelques heures plus tard, l'officier abandonnait le pouvoir au profit d'Andry Rajoelina.

«Nous avons refusé catégoriquement le directoire que le président nous a demandé de mettre en place après sa démission», a déclaré le vice-amiral devant la presse.

«Nous conférons totalement le pouvoir à Andry Rajoelina pour présider la transition», a-t-il ajouté en prenant soin de préciser: «cette déclaration a été faite sans être forcée».

«L'ordonnance qui confère les pleins pouvoirs à Andry Rajoelina a été signée», a indiqué peu après Norbert Ratsirahonana, juriste et ex-président de la Haute cour constitutionnelle.

«On l'a fait pour l'intérêt supérieur de la Nation, pour préserver l'unité du pays et de l'armée. Nous espérons que le calme reviendra et que la population retrouvera la sérénité», a-t-il ajouté. «Pour nous, c'est constitutionnel, c'est la Haute Cour qui va décider éventuellement».

Andry Rajoelina, 34 ans, s'est imposé en très peu de temps, malgré son visage juvénile, à la tête de l'opposition puis de l'État malgache.

Accompagné d'une marée de sympathisants et salué par les militaires brandissant leur fusil en signe de victoire, il avait fait mardi une entrée triomphale dans les bureaux de la présidence, avant même que son adversaire n'annonce qu'il quittait le pouvoir.

«Je déclare solennellement que j'irai jusqu'au bout de mes forces. On est libre maintenant mais la route sera encore très difficile», avait-il lancé depuis la place du 13-Mai où ses rassemblements quasi-quotidiens ont rythmé la crise malgache.

À une douzaine de kilomètres de là, Marc Ravalomanana s'était retranché ces derniers jours au palais d'Iavoloha, protégé par la garde présidentielle.

Dimanche, il assurait encore qu'il ne démissionnerait «jamais» face à Andry Rajoelina, porte-voix des frustrations de nombreux Malgaches touchés par la hausse des prix, et de leur ressentiment contre le président, décrit comme coupé de la population et affairiste.

On ignorait mardi où il se trouvait. Ces derniers jours, l'hypothèse de son départ en exil était évoquée avec insistance, l'essentiel de sa famille ayant déjà quitté la Grande Ile de l'océan Indien.

Engagé en décembre avec l'interdiction d'une télévision d'Andry Rajoelina, alors maire de la capitale, le bras de fer s'est durci fin janvier et a depuis fait plus d'une centaine de morts.

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon s'est dit «gravement préoccupé», ajoutant qu'il «(prenait) note» de la démission du président tandis que l'Union africaine demandait mardi soir que la sécurité de l'ex-président malgache»soit assurée».

La France, ex-puissance coloniale, a appelé les Malgaches à trouver entre eux une sortie de crise, et annoncé l'envoi d'un ambassadeur prochainement.