Après une humiliante défaite fin octobre face à la rébellion, l'armée congolaise se livre depuis lundi à des pillages et exactions à grande échelle dans plusieurs villes de l'est de la République démocratique du Congo (RDC), nouvelle débandade provoquée par la panique.

La Mission des Nations unies en RDC (Monuc) n'a cependant constaté aucun mouvement sur la ligne de front séparant rebelles et armée, qui est située à une quarantaine de kilomètres au sud de la région en proie aux pillages.

«Des militaires des FARDC (Forces armées de RDC, armée régulière) se livrent depuis hier (lundi) soir à des pillages et à des exactions contre la population civile dans la zone de Kanyabayonga», selon le porte-parole militaire de la Monuc, le lieutenant-colonel Jean-Paul Dietrich.

Les violences se sont progressivement étendues et concernent désormais aussi les villes de Kaïna et Kirumba plus au nord. Elles se poursuivaient mardi à la mi-journée dans toute cette région, poussant vers le nord les populations effrayées.

Kanyabayonga, Kaïna et Kirumba sont situées dans le territoire de Lubero, à une centaine de km au nord de Goma, la capitale da la province du Nord-Kivu.

Fin octobre, fuyant l'avancée des rebelles de Laurent Nkunda arrivés aux portes de Goma, les soldats des FARDC avaient déjà commis de nombreux pillages dans la capitale provinciale, faisant plusieurs victimes.

Mardi, la Monuc faisait «tout pour que la rébellion n'exploite pas cette situation» et n'attaque pas Kanyabayonga, a souligné le lieutenant-colonel Dietrich. La Mission de l'ONU a lancé une opération avec des hélicoptères et des blindés pour ramener le calme dans la zone.

Toutes les routes venant du sud de la province convergent à Kanyabayonga, qui est le verrou d'accès au nord du Nord-Kivu.

Sur la ligne de front «il n'y a pas eu de combats» mardi, a assuré le porte-parole de la rébellion, Bertrand Bisimwa, qui a dénoncé ces violences contre des civils. Lundi, le chef rebelle Laurent Nkunda avait assuré toujours respecter le cessez-le-feu décrété unilatéralement fin octobre par son mouvement.

«Un redéploiement des FARDC et des rumeurs d'attaque» ont provoqué à Kanyabayonga «un vent de mécontentement et de panique parmi les soldats et leurs familles. Les militaires ont commencé à tirer en l'air, à voler des voitures et piller des magasins», a précisé la Monuc.

Plusieurs villages sur la route reliant sur une trentaine de kilomètres Kanyabayonga, Kaïna et Kirumba, ont été mis à sac et des cas de viols ont été signalés, selon radio Okapi.

«C'est une chose regrettable que l'armée régulière se mette à fuir sans avoir entendu un seul coup de feu et se mette à piller la population», a déploré un porte-parole des milices Maï-Maï du Nord-Kivu, pourtant alliées à l'armée régulière.

«Des rumeurs d'infiltration de la rébellion sont à l'origine de la panique et des pillages», a-t-il confirmé.

Le chef d'état-major de la mission, le général sénégalais Babacar Babacar Gaye, et le commandant des FARDC au Nord-Kivu, le général Vainqueur Mayala, étaient attendus sur place à la mi-journée.

Les membres de trois organisations humanitaires sont coincés sur place à cause de l'insécurité généralisée, a précisé le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha) à Goma, indiquant qu'une opération de la Monuc était en cours pour les exfiltrer.

«Les FARDC ont commencé à piller la cité hier après-midi et Kirumba depuis ce matin. Ils tirent en l'air dans tous les sens. Je fuis avec ma famille plus au nord», a témoigné Anicet, infirmier à l'hôpital de Kanyabayonga, contacté au téléphone alors qu'il fuyait la zone.

«Le général qui commandait les troupes ici est parti et les soldats sont presque incontrôlés», a-t-il expliqué.

L'organisation Human Rights Watch (HRW) a par ailleurs affirmé qu'au moins 50 civils avaient été tués, la majorité par la rébellion, la semaine dernière à Kiwanja (80 km au nord de Goma), où des «crimes de guerre» ont été commis, selon l'ONU.