(Pékin) Officiellement, les États-Unis et la Chine raccommodent leurs relations depuis une rencontre entre les présidents Joe Biden et Xi Jinping à San Francisco l’année dernière, suivie de nombreuses visites de responsables américains à Pékin. Mais dans la pratique, les relations restent tendues.

Au cours de sa visite en Chine prévue de mercredi à vendredi, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken affrontera un contexte difficile pour poursuivre les négociations bilatérales sur des sujets variés, de la défense à l’économie.

Les pressions américaines sur l’industrie chinoise n’ont jamais été aussi fortes, avec un relèvement réclamé par Washington des droits de douane sur l’acier et l’aluminium pour les entreprises chinoises, accusées de « tricher », car elles bénéficient d’abondantes subventions.

Washington renforce également ses alliances en Asie. Le Japon envisage de rejoindre l’alliance de défense AUKUS (Australie, Royaume-Uni et États-Unis) tandis que les États-Unis mènent des exercices avec les Philippines en mer de Chine méridionale, une zone sous haute tension.

« Le voyage de Blinken ne sera pas une tâche facile », souligne Wu Xinbo, directeur du Centre d’études américaines de l’Université Fudan à Shanghai, interrogé par l’AFP.

« Limiter l’essor de la Chine »

Les principales sources de tension sont d’ordre économique. La Chine voit les tentatives américaines pour réduire sa production industrielle et lui bloquer l’accès aux puces les plus avancées comme une guerre commerciale.

« Pékin considère ces contrôles croissants comme emblématiques des efforts déployés par les États-Unis pour limiter l’essor de la Chine », indique Ryan Hass, spécialiste de la Chine à la Brookings Institution.

En avril, la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, n’a pas exclu d’éventuelles sanctions contre la Chine pour surcapacité industrielle. Elle estime que les subventions massives accordées par Pékin à des secteurs clés ont entraîné un excès de production, obligeant les entreprises à exporter des marchandises à l’étranger à prix dérisoire.

Le Congrès américain a adopté mardi une loi demandant à la très populaire application TikTok de couper ses liens avec sa maison-mère chinoise ByteDance, faute de quoi elle risque d’être interdite aux États-Unis. Les parlementaires craignent  qu’elle ne serve à diffuser de la propagande, ce que l’entreprise a démenti.

Mais « la Chine peut-elle renoncer à son développement (pour apaiser les craintes des États-Unis) ? C’est impossible », juge Lyu Xiang, expert en relations sino-américaines à l’Académie chinoise des sciences sociales (CASS).

Soutien à la Russie

M. Blinken a dit vouloir encourager la Chine à réduire son soutien à la Russie, engagée dans une guerre contre l’Ukraine pour la troisième année.  

La Chine a apporté une aide clé à la Russie pour réaliser son plus gros effort de réarmement depuis l’époque soviétique, relèvent des responsables américains.

Pékin s’est abstenu de fournir une assistance militaire directe, mais a exporté des équipements pouvant avoir un usage aussi bien civil que militaire, selon Washington.

« La Chine ne peut pas jouer sur les deux tableaux », a déclaré M. Blinken la semaine dernière. « Si la Chine prétend d’une part entretenir des relations positives et amicales avec l’Europe et d’autres pays, elle ne peut pas d’autre part alimenter ce qui est la plus grande menace pour la sécurité européenne depuis la fin de la guerre froide ».

En jouant un rôle dans la résolution du conflit, Pékin pourrait vouloir cultiver son image de puissance mondiale et d’artisan de la paix, estiment des analystes.  

Mais la Chine dit rejeter les « critiques ou pressions » sur ses liens avec la Russie, qui n’ont fait que se renforcer depuis l’invasion de l’Ukraine.

Et si les États-Unis ont également suggéré que la Chine utilise ses bonnes relations avec l’Iran pour encourager la retenue dans les affrontements avec Israël, Pékin a souligné à plusieurs reprises que c’était à Washington de pousser Israël à accepter un cessez-le-feu.

« Déclaration hostile »

La rencontre entre Joe Biden et Xi Jinping en novembre a suscité une vague d’optimisme. Mais depuis, « du point de vue de la Chine […], les États-Unis n’ont pas répondu rapidement aux préoccupations » de Pékin, a relevé M. Wu.

Le renforcement des liens entre Taïwan et Washington, son principal partenaire et fournisseur d’armes, est vu d’un mauvais œil par Pékin qui a déclaré que l’île autonome reviendrait sous son contrôle y compris par la force.  

Au-delà des embargos sur les technologies, les initiatives américaines pour renforcer ses alliances militaires en Asie sont un grand sujet de mécontentement pour la Chine.

Une récente « Déclaration de vision commune » entre le Japon, les Philippines et les États-Unis, à l’issue d’un sommet de leurs dirigeants à Washington, représente « la déclaration politique la plus hostile à l’égard de la Chine depuis la fin de la guerre froide », relève M. Lyu de la CASS.

« Les États-Unis pensent que tant que la situation est stable et pas trop turbulente, tout va bien ». Mais « la partie chinoise pense qu’il ne suffit pas de stabiliser les relations », note M. Wu.

Et certains à Pékin considèrent que les relations vont se détériorer sans concessions de Washington.