(Rome) Le Vatican a publié lundi une déclaration approuvée par le pape François décrivant la fluidité de genre, la chirurgie de réattribution sexuelle et la gestation pour autrui comme des affronts à la dignité humaine.

Le genre est un « don irrévocable » de Dieu et « toute intervention de changement de sexe risque, en règle générale, de menacer la dignité unique qu’une personne a reçue dès le moment de la conception », affirme le document. « Vouloir disposer de soi, comme le prescrit la théorie du genre, […] ne signifie rien d’autre que céder à la tentation séculaire de l’être humain se faisant Dieu […]. »

Le document exprime aussi l’opposition catégorique de l’Église catholique à la gestation pour autrui, que la femme qui porte l’enfant y soit contrainte ou qu’elle la choisisse librement, parce que l’enfant « devient un simple moyen asservi au profit ou au désir arbitraire d’autrui ».

PHOTO TIZIANA FABI, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le pape François a, par le passé, multiplié les ouvertures envers les catholiques homosexuels et transgenres.

Le document se veut une déclaration générale du point de vue de l’Église sur la dignité humaine, qui inclut l’exploitation des pauvres, des migrants, des femmes et des personnes vulnérables. Sa rédaction a duré cinq ans. Sa publication survient quatre mois après que le pape François a choqué les catholiques conservateurs en autorisant explicitement les personnes LGBTQ+ à recevoir la bénédiction des prêtres et en permettant aux personnes transgenres d’être baptisées et d’être parrains et marraines.

La position de l’Église sur ces nouveaux enjeux clivants – que le pape François s’est efforcé d’éviter – n’est pas nouvelle, mais sa réaffirmation aujourd’hui devrait conforter les conservateurs, qui s’opposent à la théorie du genre et à la gestation pour autrui.

Document critiqué

Le document va sans doute provoquer la consternation chez les militants LGBTQ+ au sein de l’Église, qui craignent que la déclaration serve à condamner les personnes transgenres, même s’il met en garde contre leur « discrimination injuste », en particulier dans les pays où ils sont considérés comme des criminels et sont emprisonnés, mis à mort ou sujets à l’opprobre ou la violence.

Le Vatican réitère « des idées qui conduisent à de réels dommages physiques pour les personnes transgenres, non binaires et autres personnes LGBTQ+ », a déclaré Francis DeBernardo, directeur de New Ways Ministry, un groupe américain qui défend les catholiques homosexuels, ajoutant que la défense de la dignité humaine par le Vatican excluait « le segment de la population humaine qui est transgenre, non binaire ou au genre non conforme ».

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La déclaration Dignitas infinita réitère les enseignements de l’Église catholique sur la dignité humaine.

Le document présente une théologie dépassée basée sur la seule apparence physique et aveugle à « la réalité croissante selon laquelle le genre d’une personne inclut les aspects psychologiques, sociaux et spirituels naturellement présents dans sa vie », a dit M. DeBernardo.

Selon lui, la déclaration témoigne d’une « méconnaissance stupéfiante de la vie réelle des personnes transgenres et non binaires » et ses auteurs ont ignoré les personnes transgenres qui ont fait part de leurs expériences à l’Église, les rejetant « cavalièrement » et à tort comme un phénomène purement occidental.

Bien que le document constitue un recul pour le mouvement transgenre, le Vatican cherche à y établir le juste milieu entre la protection de la dignité humaine et l’énoncé clair de la doctrine de l’Église, à l’image de l’équilibre que le pape François s’efforce de maintenir depuis qu’il a été élu pape, il y a 11 ans.

Le pape François a multiplié les ouvertures envers les catholiques homosexuels et transgenres, marquant son pontificat d’un message en faveur d’une Église privilégiant l’accueil plutôt que le jugement. Mais il est resté ferme sur la doctrine de l’Église que de nombreux catholiques gais et transgenres estiment aliénante, marquant les limites de l’inclusivité. Selon la Doctrine de la foi, les « actes homosexuels » sont « intrinsèquement désordonnés ».

Le Vatican reconnaît qu’il aborde des sujets brûlants, mais il fait valoir qu’à une époque de grande agitation autour de ces questions, il est essentiel et bénéfique que l’Église réaffirme ses enseignements sur « la centralité de la dignité humaine ».

Certains sujets « seront facilement partagés par les différents milieux sociaux, d’autres le seront moins », écrit le cardinal Víctor Manuel Fernández, qui dirige le dicastère pour la Doctrine de la foi, dans l’introduction du document intitulé « Déclaration Dignitas infinita sur la dignité humaine ». Selon le cardinal, la déclaration a une grande importance doctrinale, contrairement à la récente déclaration autorisant la bénédiction des catholiques homosexuels, et vise à apporter de la clarté.

« Colonisation idéologique »

Les énoncés du document lui semblent nécessaires « dans le moment historique complexe que nous vivons, afin qu’au milieu de tant de préoccupations et d’angoisses, nous ne nous égarions pas, ni ne nous exposions à des souffrances plus déchirantes et plus profondes ».

Bien que sympathique aux homosexuels et aux personnes transgenres, le pape n’a cessé d’exprimer son inquiétude face à ce qu’il appelle la « colonisation idéologique » par laquelle les nations riches imposent avec arrogance leurs points de vue – qu’il s’agisse de l’égalité des sexes ou de la gestation pour autrui – à des personnes et des traditions religieuses qui ne sont pas nécessairement d’accord.

Le document précise que la théorie du genre, dont « la consistance scientifique fait l’objet de nombreux débats au sein de la communauté des experts », joue un « rôle central » dans ce colonialisme idéologique et qu’elle est « très dangereuse parce qu’elle efface les différences dans la prétention de rendre tous égaux ».

La déclaration établit la distinction suivante.

Il faut « dénoncer comme contraire à la dignité humaine le fait que, dans certains endroits, de nombreuses personnes soient emprisonnées, torturées et même privées du bien de la vie uniquement en raison de leur orientation sexuelle ».

« En même temps, rappelle-t-on, l’Église souligne les points fortement critiques présents dans la théorie du genre. »

Dans son introduction, le cardinal Fernández a décrit le long processus de rédaction de ce document sur la dignité humaine, qui a débuté en mars 2019, afin de « tenir compte des derniers développements du thème dans la sphère académique et de ses compréhensions ambivalentes dans le contexte d’aujourd’hui ».

En 2023, François a renvoyé le document en demandant « de mettre plus en évidence dans le texte les questions étroitement liées au thème de la dignité, telles que le drame de la pauvreté, la situation des migrants, la violence contre les femmes, la traite des êtres humains, la guerre et d’autres sujets du genre ».

La « longue maturation » de la démarche, a écrit le cardinal Fernández, est un reflet « du sérieux et de la centralité » du sujet.

Cet article a d’abord été publié dans le New York Times.

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