(Bakou) L’Azerbaïdjan a lancé mardi une offensive militaire au Haut-Karabakh, trois ans après la précédente guerre, demandant la reddition de son adversaire arménien dans cette région disputée depuis des décennies avec l’Arménie.

La présidence azerbaïdjanaise a appelé en début de soirée les troupes de ce territoire sécessionniste d’Azerbaïdjan en majorité peuplé d’Arméniens à déposer les armes, condition sine qua non pour le début de négociations.

« Les forces armées arméniennes illégales doivent hisser le drapeau blanc, rendre toutes les armes et le régime illégal doit se dissoudre. Autrement, les opérations antiterroristes continueront jusqu’au bout », a-t-elle déclaré, faisant écho à la diplomatie azerbaïdjanaise qui réclamait une reddition « totale et inconditionnelle ».  

La présidence a proposé, en cas de capitulation, des pourparlers « avec les représentants de la population arménienne du Karabakh à Yevlakh », une ville azerbaïdjanaise à 295 km à l’ouest de Bakou.

Avant cela, les autorités de cette région disputée avaient réclamé un cessez-le-feu immédiat et des négociations.

Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a appelé à un « arrêt immédiat des combats » dans la région du Nagorny Karabakh.

« Le secrétaire général appelle dans les termes les plus forts à l’arrêt immédiat des combats, à la désescalade et au respect plus strict du cessez-le-feu de 2020 et des principes du droit international humanitaire », a indiqué dans un communiqué son porte-parole Stéphane Dujarric.

Au moins 29 morts, 7000 personnes évacuées

Les combats ont fait au moins 27 morts, dont deux civils, et plus de 200 blessés dans cette région où environ 7000 habitants de 16 localités ont été évacués, selon les séparatistes.

De son côté, l’Azerbaïdjan a signalé que deux civils avaient péri dans les zones sous son contrôle.

Les séparatistes affirment que plusieurs villes du Haut-Karabakh, dont sa capitale Stepanakert, sont ciblées par des « tirs intensifs », qui visent aussi des infrastructures civiles.

Les affrontements ont lieu « sur toute la ligne de contact » de ce territoire et les Azerbaïdjanais ont recours à l’« artillerie », à des roquettes, à des drones d’attaque, à des avions, ont-ils raconté.

Soixante positions arméniennes y ont été conquises, a annoncé dans la soirée Bakou.  

Quant à l’Arménie, qui a dénoncé une « agression de grande ampleur » à des fins de « nettoyage ethnique », elle a assuré ne pas avoir de troupes au Haut-Karabakh, laissant entendre que les séparatistes étaient seuls face aux soldats azerbaïdjanais.

Et elle considère que c’est à la Russie, garante d’un cessez-le-feu datant de 2020 avec des forces de la paix sur le terrain, d’agir pour « stopper l’agression azerbaïdjanaise ».

Le conflit de 2020 avait débouché sur une déroute militaire de l’Arménie qui avait dû céder à l’Azerbaïdjan du terrain dans et autour du Haut-Karabakh.

Un cessez-le-feu, négocié par la Russie, avait été conclu par ces deux anciennes républiques soviétiques du Caucase, sans jamais qu’on aboutisse à un accord de paix.

« Entraîner l’Arménie » dans la guerre ?

À Bakou, le ministère de la Défense avait annoncé mardi matin le déclenchement d’« opérations antiterroristes » après la mort de six Azerbaïdjanais dans l’explosion de mines sur le site d’un tunnel en construction entre Choucha et Fizouli, deux villes du Haut-Karabakh sous contrôle de l’Azerbaïdjan.

C’est un groupe de « saboteurs » séparatistes qui a posé ces engins explosifs, d’après les services de sécurité azerbaïdjanais.

« L’échec de la communauté internationale à agir est à l’origine de l’offensive azerbaïdjanaise », ont quant à eux commenté les Arméniens du Haut-Karabakh.

Les tensions s’aggravent depuis des mois autour de ce territoire qui a déjà été au cœur de deux guerres entre Erevan et Bakou. La première avait duré de 1988 à 1994, celle de l’automne 2020 s’était arrêtée au bout de six semaines.

Le premier ministre arménien Nikol Pachinian a à ce propos accusé les Azerbaïdjanais de vouloir « entraîner l’Arménie dans les hostilités ».

La situation à la frontière arméno-azerbaïdjanaise est pour l’heure « stable », a-t-il néanmoins insisté.

Crainte de « troubles » en Arménie

Nikol Pachinian, auquel l’opposition reproche d’avoir été responsable de la défaite d’il y a trois ans, a dans le même temps dénoncé des appels à un « coup d’État » dans son pays, où des heurts ont opposé des manifestants le qualifiant de « traître » et exigeant sa démission aux policiers devant le siège du gouvernement.

Plusieurs personnes victimes de ces violences ont dû être hospitalisées, selon le ministère de la Santé.  

« Il existe actuellement un vrai risque de troubles généralisés en Arménie », ont prévenu mardi soir les services de sécurité arméniens, promettant des « mesures pour maintenir l’ordre constitutionnel » et mettant en garde les citoyens contre les « diverses provocations ».

Des dizaines de personnes se sont en outre rassemblées devant l’ambassade de Russie à Erevan pour dénoncer l’inaction de ce pays face à l’offensive azerbaïdjanaise.

Appel à une « cessation immédiate » des hostilités

Bakou a précisé avoir informé de ses opérations à la fois la Russie qui a ensuite révélé n’avoir été mise au courant que « quelques minutes » avant leur commencement – et la Turquie.

Le Kremlin, « préoccupé », a dit par la voix de son porte-parole essayer de convaincre l’Arménie et l’Azerbaïdjan de retourner « à la table des négociations », tandis que la mission de maintien de la paix russe au Haut-Karabakh s’est prononcée pour un cessez-le-feu « immédiat ».

Quant à la Turquie, qui a qualifié de « légitimes » les préoccupations ayant amené les Azerbaïdjanais à se lancer dans une action militaire, elle a également exhorté, en parallèle, à la « poursuite du processus de négociations entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie ».

« Nous soutenons les mesures prises par l’Azerbaïdjan […] pour défendre son intégrité territoriale », a martelé le président turc Recep Tayyip Erdogan.

À l’opposé, pour le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, qui prône « une cessation immédiate » des hostilités, le recours à la force est « inacceptable » et « ces actions [de Bakou] aggravent une situation humanitaire déjà difficile au Haut-Karabakh et sapent les perspectives de paix ».

Réaction similaire du président français Emmanuel Macron qui a peu après condamné « avec la plus grande fermeté » l’offensive azerbaïdjanaise et souhaité sa « cessation immédiate ».  

Le président du Conseil européen, Charles Michel, qui a effectué une médiation par le passé entre les deux pays, a aussi estimé que l’Azerbaïdjan devait « immédiatement » interrompre ses opérations.

Nikol Pachinian, qui n’a pas fait état de discussions avec Vladimir Poutine, a eu deux entretiens téléphoniques avec MM. Macron et Blinken.