La Presse couvre le grand jour monarchique depuis 1902. Curieux, nous sommes allés fouiller dans nos archives…

Un autre roi, une autre première page. Pour la cinquième fois de son histoire, La Presse couvrira, ce samedi, le couronnement d’un monarque britannique. Si on se fie à nos archives, le ton et la forme ont bien changé au fil des ans. Mais le fond, au fond, pas tant que ça…

Lorsque votre journal préféré est fondé, en 1884, la reine Victoria est encore sur le trône. Il faut attendre la fin de son (interminable) règne, en 1901, pour que La Presse puisse couvrir un premier couronnement, en l’occurrence celui d’Édouard VII, le samedi 9 août 1902.

Les moyens techniques sont alors limités. Personne ne tweete en direct. Il n’y a pas de clavardage en temps réel. Le téléphone n’existe même pas ! Les dépêches de Londres, probablement expédiées par télégraphe (l’internet du temps !), seront malgré tout publiées le jour même, dans l’édition du soir, quoiqu’en toute dernière page, en raison, peut-être, de leur heure d’arrivée tardive.

  • La une de La Presse du 9 août 1902

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    La une de La Presse du 9 août 1902

  • La page 7 de La Presse du 11 août 1902

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    La page 7 de La Presse du 11 août 1902

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D’entrée de jeu, une plume locale évoque le versant montréalais des festivités. Aucune « démonstration remarquable » n’a été organisée en ville, note l’auteur. Néanmoins, les citoyens n’ont « rien épargné pour donner à la cité un air de gais [sic] », faisant « flotter partout le drapeau britannique et les couleurs royales ». Une scène qu’on ne verrait certainement plus aujourd’hui…

Le reste de l’article, constitué de textes d’agences, donne les détails de la cérémonie londonienne, où le souverain a été couronné « à 12,21 heures pm » précises. Le tout est accompagné d’un croquis en gros plan du principal intéressé.

On comprend, dans la dernière moitié du texte, que le roi souffre d’une « condition » et que ses problèmes de santé, gonflés par de « sinistres rumeurs », pourraient hypothéquer cette journée « grandiose », voire carrément son règne. Mais on apprend avec un IMMENSE soulagement, dans le journal du lundi suivant, que le nouveau souverain a très bien supporté les « fatigues du jour » et que ce fut au bout du compte un « spectacle merveilleux ».

  • La une de La Presse du 22 juin 1911

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    La une de La Presse du 22 juin 1911

  • La page 2 de La Presse du 22 juin 1911

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    La page 2 de La Presse du 22 juin 1911

  • La une de La Presse du 23 juin 1911

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    La une de La Presse du 23 juin 1911

  • La page 2 de La Presse du 23 juin 1911

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    La page 2 de La Presse du 23 juin 1911

  • Le ballon La Presse en une du journal le 10 juin 1911

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    Le ballon La Presse en une du journal le 10 juin 1911

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Neuf ans plus tard, on remet ça pour le couronnement de George V. Le jeudi 22 juin 1911, La Presse consacre la moitié de sa une à l’évènement royal, tandis que l’autre moitié est occupée par un happening tout aussi historique : la première ascension publique du ballon La Presse, aux usines à gaz d’Hochelaga !

Cette fois, le dessin publié ne représente pas le souverain seul, mais en compagnie de sa femme Mary « tel qu’ils apparaissaient ce matin dans leurs pompeux costumes ».

L’article (une « dépêche spéciale à la PRESSE », est-il précisé) revient quant à lui sur la cérémonie à la cathédrale de Westminster, soulignant au détour la présence du premier ministre canadien, Wilfrid Laurier, parmi les invités issus des « colonies » (!). Intéressant : le journal publie pour la première fois l’itinéraire du cortège royal prévu le lendemain.

Pour la saveur locale, il faut attendre le numéro du lendemain. On y apprendra notamment que la « police à cheval du Nord-Ouest canadien » faisait partie de la procession à Londres et que le couronnement a été « l’occasion de réjouissances à Toronto, Hamilton, London, Winnipeg, Saskatoon, Brockville et Sherbrooke ». Montréal ? Québec ? Aucune mention.

  • La une de La Presse du 12 mai 1937

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    La une de La Presse du 12 mai 1937

  • La une de La Presse du 13 mai 1937

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    La une de La Presse du 13 mai 1937

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Avance rapide de 26 ans. Après la mort de George V, puis l’abdication rapide d’Édouard VIII, George VI est couronné le 12 mai 1937. La Presse offre le jour même une « narration complète » de la cérémonie sous la signature d’un certain Jean-François Pouliot, « envoyé spécial » à Londres, dont le texte a été acheminé par « câblogramme ». Pour la première fois, c’est une photo du couple royal – et non un dessin – qui accompagne l’article, alors que la une est entièrement consacrée à l’évènement. Outre l’incontournable compte rendu de cette journée « inoubliable » et l’évocation de célébrations lointaines dans le reste de « l’Empire britannique », une capsule complète est réservée à la garde-robe et aux diamants de la reine mère Mary, laissant déjà entrevoir une « pipolisation » du sujet royal.

  • La une de La Presse du 1er juin 1953

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    La une de La Presse du 1er juin 1953

  • La page 3 de La Presse du 1er juin 1953

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    La page 3 de La Presse du 1er juin 1953

  • La une de La Presse du 2 juin 1953

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    La une de La Presse du 2 juin 1953

  • La une de La Presse du 3 juin 1953

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    La une de La Presse du 3 juin 1953

  • La page 3 de La Presse du 3 juin 1953

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    La page 3 de La Presse du 3 juin 1953

  • Page 7 de La Presse du 2 juin 1953

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    Page 7 de La Presse du 2 juin 1953

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Le 2 juin 1953, enfin, c’est au tour d’Élisabeth II. Celle-ci apparaît en photo dans son carrosse, agitant la main comme elle le fera des millions de fois pendant les 60 années qui suivront, à côté d’un cliché de Winston Churchill. Une partie de la une est évidemment consacrée au couronnement, avec son rituel et son faste. Mais on insiste aussi à gros traits sur le caractère divin de la royauté, en citant abondamment le cardinal Léger, qui vient de donner sa propre « messe du couronnement » à la basilique de Montréal.

Un effort d’originalité, cette fois, a été mis sur le titre. On peut y lire que « Des millions acclament Elizabeth » (la graphie alors privilégiée), l’évènement ayant été télédiffusé pour la toute première fois. À des années-lumière du titre de 1902, qui brandissait « God save Our noble king », en anglais dans le texte. Nette francisation en 1911, avec « Dieu sauve le roi », puis en 1937, avec « Dieu sauve le roi et la reine », spectaculaire concession féministe. À noter qu’avec le couronnement d’Élisabeth II 16 ans plus tard, le mot reine n’apparaît pas dans le titre, comme si déjà elle faisait partie de la famille.

Que titrera votre Presse ce samedi ? Quel ton sera employé ? Quelle place sera consacrée à l’évènement ? La réponse le jour dit. En souhaitant que les journalistes de demain ne nous en tiennent pas rigueur. À chaque époque ses travers. Que Dieu bénisse les colonies.