(Simi Valley) La présidente taïwanaise Tsai Ing-wen a salué mercredi le « soutien indéfectible » des États-Unis à son île autonome, lors de sa rencontre en Californie avec le républicain Kevin McCarthy, suscitant l’ire de Pékin qui a promis une réponse « déterminée ».

La dirigeante de 66 ans, issue d’un parti qui milite traditionnellement pour l’indépendance — une ligne rouge absolue pour la Chine —, s’est entretenue avec le président de la Chambre des représentants à la bibliothèque présidentielle Ronald Reagan de Simi Valley, près de Los Angeles, malgré les menaces répétées de ripostes émises par Pékin ces dernières semaines.

La Chine avait lancé des manœuvres militaires sans précédent autour de Taïwan en août dernier, lorsque la démocrate Nancy Pelosi, prédécesseure de M. McCarthy au perchoir, s’était rendue à Taïwan.  

Pékin a comparé mercredi la nouvelle rencontre sur le sol américain à des « actes de collusion gravement erronés » entre les États-Unis et Taïwan.  

« La Chine prendra des mesures déterminées et efficaces pour sauvegarder sa souveraineté nationale et son intégrité territoriale », a réagi le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué, sans mentionner explicitement des exercices militaires.

Ton prudent

Dans ce contexte inflammable, M. McCarthy a adopté un ton prudent. Le troisième personnage de l’État américain a assuré que la relation entre Taipei et Washington était « plus forte » qu’elle ne l’a jamais été « au cours de (sa) vie ».

L’élu de Californie était entouré d’un grand groupe de parlementaires, républicains comme démocrates, pour recevoir la présidente taïwanaise, qui était en « transit » après une tournée en Amérique latine.

« Leur présence et leur soutien indéfectible rassurent le peuple taïwanais : nous ne sommes pas isolés, nous ne sommes pas seuls », s’est félicitée Tsai Ing-wen.

La Chine considère que l’île démocratique et autonome de Taïwan est une de ses provinces à reprendre, en privilégiant une « réunification pacifique », mais sans exclure d’employer la force.  

Au nom de son principe d’« une seule Chine », aucun pays n’est censé entretenir de liens officiels avec Pékin et Taipei en même temps.

Seuls 13 États reconnaissent encore Taïwan, dont le Belize et le Guatemala, pays d’Amérique latine que Mme Tsai a visités ces derniers jours pour cimenter la relation avec ses rares alliés officiels, après une première étape à New York.

Mais les États-Unis entretiennent de longue date une « ambiguïté stratégique » sur la question taïwanaise. Washington reconnaît Pékin depuis 1979, mais reste l’allié le plus puissant de Taïwan ainsi que son principal fournisseur d’armes.

Le soutien à l’île est l’un des rares points de consensus entre les deux partis au Congrès américain. Sous le mandat de Tsai Ing-wen, Taïwan s’est rapproché des États-Unis.

Symboles

Un état de fait que M. McCarthy s’est employé à rappeler à grand renfort de symboles devant une ancienne version de l’avion présidentiel Air Force One de Ronald Reagan.

« L’amitié entre les peuples taïwanais et américain revêt une grande importance pour le monde libre et est essentielle au maintien de la liberté économique, de la paix et de la stabilité régionale », a-t-il déclaré.

Le président de la Chambre des représentants, qui souhaitait initialement se rendre à Taïwan, a évité d’évoquer directement la Chine aux côtés de Mme Tsai, mais s’est montré plus direct lors d’une conférence de presse après la rencontre.  

« Il n’y a pas lieu de prendre des mesures de rétorsion », a-t-il plaidé. Mais « la Chine ne va pas me dire où je peux aller ni à qui je peux m’adresser », a-t-il ajouté, sans exclure une future visite sur l’île.

Il a également appelé à « continuer les ventes d’armes à Taïwan », qui sont selon lui le « meilleur moyen » d’empêcher une invasion chinoise de l’île. « C’est une leçon essentielle que nous avons tirée de l’Ukraine, à savoir que l’idée de simples sanctions à l’avenir n’arrêtera personne », a-t-il insisté.

L’administration Biden a elle aussi tenté de calmer le jeu. Mercredi, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a souligné qu’il ne s’agissait que d’un « transit » de la dirigeante taïwanaise sur le territoire américain et non d’une visite officielle. Il a appelé Pékin à ne pas se servir de l’entretien comme « excuse » pour « faire monter les tensions ».

Reste à savoir comment se traduira la réponse chinoise dans les faits.

« La Chine a déjà fait des déclarations assez menaçantes, ce qui suggère qu’elle doit répondre d’une manière ou d’une autre », juge auprès de l’AFP Bonnie Glaser, directrice du programme Asie du groupe de réflexion américain German Marshall Fund. Sans réaction forte, le président chinois « Xi Jinping risque de paraître faible. »