Trois ans après le lancement de la campagne #whereismyname, les femmes afghanes pourront désormais voir leur nom imprimé sur les documents officiels, dont les actes de naissance de leurs enfants.

L’amendement a été signé par le président Ashraf Ghani le 31 août dernier, dans une victoire inattendue des militantes pour les droits des femmes en Afghanistan.

En 2017, le mot-clic #whereismyname (où est mon nom) a été lancé afin de revendiquer l’identité des femmes et la mention de leur nom sur les documents officiels.

Avant ce jour, les mères afghanes ne pouvaient pas, sans la présence du père de leurs enfants, avoir accès à des services aussi essentiels que l’inscription à l’école ou les soins de santé. Le nom des femmes n’apparaissait pas non plus sur la plupart des documents d’identification, comme les invitations de mariage et les pierres tombales.

« On a le potentiel de faire une différence », constate avec émoi Hoda Raha. La jeune Afghane, qui s’est jointe au mouvement pour renverser la discrimination à l’égard des femmes, se réjouit de voir son nom imprimé noir sur blanc sur ses papiers d’identification.

PHOTO FOURNIE PAR HODA RAHA

Hoda Raha

J’ai une identité indépendante en tant qu’être humain indépendant. Personne n’a le droit de restreindre mon identité ou de la trouver embarrassante.

Hoda Raha

Dans la tradition religieuse afghane, cacher le nom des femmes, qui est perçu comme un blasphème, est un moyen de protéger l’honneur de la famille. Ainsi, elles doivent être désignées par le nom de leurs proches parents masculins.

« Tant que nous ne sommes pas mariées, nous sommes appelées la fille d’un certain homme. Lorsque nous nous marions, nous sommes appelées épouse d’un certain homme. Et lorsque nous avons des enfants, nous sommes appelées la mère d’un certain homme », illustre Laleh Osmany Afzaly, qui a lancé le mot-clic #whereismyname avec un groupe d’amies.

Après avoir étudié la loi islamique, l’étudiante en droit a réalisé que cette culture patriarcale contre laquelle elle se bat farouchement ne trouvait aucune racine dans sa religion.

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Laleh Osmany Afzaly

« Lorsque j’ai réalisé qu’il s’agissait d’une culture erronée, j’ai commencé à lutter contre ce tabou », explique-t-elle.

Les efforts de la jeune femme ont été remarqués par le gouverneur de la ville d’Hérat, Wahid Qattali, qui l’a aidée à porter son projet devant les autorités nationales. Dans un communiqué de presse, le comité des affaires juridiques du cabinet afghan a qualifié l’amendement d’« un grand pas vers l’égalité des sexes et la réalisation des droits des femmes ».

Plus puissantes que les armes

Moins d’une semaine après son adoption, l’initiative faisait déjà face à une forte opposition des groupes extrémistes. Lors de pourparlers sur la paix en Afghanistan, l’ancien dirigeant taliban Sayed Akbar Agha a déclaré que l’amendement violait les principes islamiques.

« Le nom des mères sur les actes de naissance des Afghans est honteux et déshonorant », a-t-il scandé.

Le chef de la police morale, sous la domination des talibans, Mawlawi Qalam Uddin, a quant à lui qualifié le projet de « plan occidental » qui « ne peut pas être imposé au peuple afghan ».

Les condamnations des talibans sont arrivées au moment même où l’ambassade des États-Unis à Kaboul lançait l’alerte sur de potentielles attaques extrémistes « visant principalement les femmes ».

Habituée aux injures et aux menaces, Hoda Raha a appris à ne pas se laisser intimider par les groupes extrémistes. « Depuis le début, [ils ont] tenté d’arrêter le mouvement en nous menaçant et en utilisant les médias sociaux pour attaquer les membres de la campagne », critique la militante, qui a elle-même vu certains de ses proches lui tourner le dos.

« Nous n’abandonnerons pas et chaque répression a été répliquée d’une réponse plus forte de notre part, défend-elle. Nos croyances et nos mots sont plus puissants que leurs armes. »

Un combat loin d’être gagné

Si la victoire de #whereismyname donne espoir aux militantes des droits des femmes en Afghanistan, le chemin vers l’égalité s’annonce encore long.

Depuis une semaine, le Qatar accueille les négociations de paix entre les talibans et le gouvernement afghan afin de mettre un terme à une décennie de guerres.

« Les femmes ne sont représentées par aucun parti dans le cadre de ces négociations », s’indigne Hoda Raha.

Dans l’éventualité d’une entente pacifique entre les talibans et Kaboul, Hoda Raha craint un retour aux « jours sombres ».

Pendant leur règne sur l’Afghanistan, de 1996 à 2001, les talibans ont imposé une interprétation très stricte de la loi islamique. « [Ils] ont défini les femmes comme des esclaves au service des hommes », affirme Hoda Roha.

De son côté, Laleh Osmany Afzaly se réjouit de cette avancée dans la bataille pour l’égalité des femmes, sans toutefois crier victoire.

« Notre équipe a commencé par s’attaquer à la question de l’identité. Maintenant, nous devons nous battre pour tous nos autres droits. »