La torture a-t-elle mené à Oussama ben Laden? La question refait surface aux États-Unis à quelques jours de la sortie new-yorkaise de Zero Dark Thirty, le nouveau film de Kathryn Bigelow (The Hurt Locker) qui retrace la chasse du chef d'Al-Qaeda (le long-métrage sortira le 11 janvier dans le reste de l'Amérique du Nord).

La question se pose avec d'autant plus d'acuité que la réalisatrice et le scénariste de Zero Dark Thirty (minuit trente, dans le jargon militaire) affirment avoir adopté «une approche presque journalistique» pour raconter cette histoire. Les 45 premières minutes du film sont ponctuées de scènes de torture, dont la simulation de noyade, créant l'impression que l'identification du fameux coursier de Ben Laden n'aurait pas été possible sans le recours à ces techniques.

«Je parie que Dick Cheney adorera le nouveau film Zero Dark Thirty», a écrit le chroniqueur du New York Times Frank Bruni.

En revanche, les critiques de l'administration Bush et de la torture sont consternés. Selon la sénatrice de Californie Dianne Feistein, présidente de la commission du Renseignement du Sénat, les soit-disant techniques d'interrogatoires «renforcées» de la CIA n'ont pas été un «élément central» dans la localisation de Ben Laden.

La sénatrice Feinstein arrive à cette conclusion après que sa commission eut complété un nouveau rapport de 6 000 pages sur les techniques d'interrogatoire de la CIA. Ce rapport n'a pas encore été rendu public et pourrait ne jamais l'être, comme on peut le lire dans cet article du New York Times sur la controverse entourant le film de Bigelow.

La réalisatrice de Zero Dark Thirty se défend d'avoir fait l'apologie de la torture, mais elle a donné des munitions à ceux qui voudraient le faire, selon le critique de cinéma de l'hebdomadaire New York David Edelstein, qui a qualifié de «fascisant» le message du film.

Pour un autre point de vue sur le rôle de la torture dans la localisation de Ben Laden, je vous invite à lire cet article de David Ignatius. Selon le chroniqueur du Washington Post, qui semble avoir de bons contacts au sein du renseignement américain, la torture n'a certes pas été cruciale dans la traque de Ben Laden. Mais la première mention du nom du coursier de Ben Laden serait bel et bien survenue lors d'une séance d'interrogatoire musclée d'un détenu de la CIA en 2003.