« Joli coup sur le report (de V. Poutine) - J'ai toujours su qu'il était très intelligent.»

Le 30 décembre dernier, Donald Trump saluait ainsi sur Twitter la décision de Vladimir Poutine de ne pas expulser de diplomates américains en riposte à la décision prise la veille par Barack Obama de renvoyer chez eux 35 diplomates russes en poste aux États-Unis.

Le futur président des États-Unis savait-il alors que son futur conseiller à la sécurité nationale, Michael Flynn, avait déjà contacté l'ambassadeur de Russie à Washington pour lui dire que le Kremlin ne devait pas réagir de façon excessive aux sanctions d'Obama en représailles de l'ingérence russe dans l'élection présidentielle américaine?

Savait-il que Flynn avait laissé entendre à son interlocuteur russe que la situation était susceptible de changer après le départ d'Obama?

Savait-il qu'une telle intervention de Flynn contrevenait vraisemblablement à la loi interdisant un citoyen privé de se mêler de la politique étrangère de son pays?

Ces questions risquent de prendre de l'ampleur au lendemain de la démission de Flynn, qui s'est excusé hier d'avoir fourni «par mégarde» au vice-président Mike Pence et à d'autres des «informations incomplètes» sur la nature de ses discussions avec l'ambassadeur Sergueï Kislyak.

Par mégarde? Des informations incomplètes? Même dans sa lettre de démission, Flynn semble s'enfoncer davantage dans les mensonges.

Mais c'est son ancien patron qui est aujourd'hui sur la sellette. Selon un article publié hier soir sur le site du Washington Post, l'ancienne ministre de la Justice intérimaire, Sally Yates, a informé la Maison-Blanche fin janvier que Flynn pouvait faire l'objet de chantage de la part des Russes en raison de ses déclarations mensongères sur la nature de ses conversations avec l'ambassadeur de Russie.

Quand Trump a-t-il été informé de cette mise en garde? Et pourquoi la démission de Flynn n'est-elle intervenue qu'à la suite de l'article du Post sur le sujet?

Parenthèse : toute cette histoire démontre l'importance de l'usage consciencieux de sources anonymes et du journalisme factuel.

Les démocrates du Congrès réclament déjà une enquête parlementaire sur ce qu'on peut appeler le Flynngate. Les républicains de la Chambre des représentants ou du Sénat refuseront-ils de se pencher sur cette affaire?

La nomination de Flynn au poste de conseiller à la sécurité nationale a toujours étonné. Certes, le général à la retraite a été un des supporteurs de première heure de Trump. Mais son bref séjour à la tête de l'agence de renseignement du Pentagone s'était soldé par son congédiement en raison de son incompétence. Et son penchant pour les théories de complot était bien connu.

Les liens de Flynn avec la Russie suscitaient également des interrogations. L'homme avait collaboré avec RT, organe du Kremlin, et assisté à un banquet à la même table que Poutine. Et il fait aujourd'hui l'objet d'un enquête de l'armée pour avoir accepté des paiements de RT sans avoir demandé la permission du Congrès, ce qu'un militaire à la retraite ne peut faire, selon cet article du New York Times.

Flynn a-t-il eu d'autres contacts avec des responsables russes? Était-il au courant des efforts présumés du Kremlin pour nuire à Hillary Clinton? Et que savait Trump de tout ça?