Le ministre de la Justice adjoint Rod Rosenstein a menacé de démissionner lorsque la Maison-Blanche, par la voix de son porte-parole Sean Spicer, a faussement déclaré qu'il avait lui-même initié le processus qui a mené au licenciement du directeur du FBI James Comey.

Le Washington Post publie cette information dans un article où l'on apprend que Donald Trump a ordonné lundi à Rosenstein et au ministre de la Justice Jeff Sessions de lui présenter par écrit des arguments en faveur du renvoi de Comey. Le président était exaspéré par le directeur du FBI, son enquête sur l'affaire russe et son manque de loyauté (il ne lui avait pas pardonné son refus d'appuyer son allégation mensongère selon laquelle Barack Obama l'avait mis sur écoute).

Rosenstein a présenté les arguments demandés dans une note de trois pages dans laquelle il énumère les fautes commises par le directeur du FBI dans sa gestion de l'enquête sur les courriels d'Hillary Clinton alors qu'elle était secrétaire d'État.

Certains auraient sans doute souhaité que Rosenstein menace de démissionner avant de se prêter à cette manoeuvre qui permet aujourd'hui à la Maison-Blanche de proférer un autre mensonge : le renvoi de Comey n'a rien à voir avec l'enquête du FBI sur les liens entre l'entourage du président et la Russie.

Mais il n'est jamais trop tard pour bien faire. C'est du moins ce que fait valoir aujourd'hui la page éditoriale du New York Times dans une «lettre ouverte» à Rosenstein. Le Times exhorte le ministre de la Justice adjoint à nommer «un procureur spécial qui est à la fois indépendant du ministère de la Justice et de la Maison-Blanche» pour enquêter sur l'affaire russe, même si cela devait lui coûter son poste.

Cette responsabilité incombe à Rosenstein depuis que Jeff Sessions s'est récusé dans l'enquête sur l'affaire russe.

Je cite un extrait de l'édito du Times :

«Peu de fonctionnaires se sont trouvés face à un choix aussi lourd de conséquence que le vôtre, soit celui de suivre leur conscience ou obéir à un dirigeant qui tente d'échapper à une enquête - Elliot Richardson et William Ruckelshaus, qui ont agi de façon noble dans le scandale du Watergate, viennent à l'esprit. Vous pouvez ajouter votre nom à cette liste courte et héroïque.»

Donald Trump aurait lui-même proféré un autre mensonge dans cet épisode qui ébranle la démocratie américaine. Dans sa lettre datée du 9 mai à James Comey, le président écrit que le directeur du FBI l'avait assuré à trois occasions distinctes qu'il ne faisait pas lui-même l'objet d'une enquête. Selon des sources du Wall Street Journal et du Washington Post, cette affirmation est fausse.

Le Journal précise que l'enquête sur l'affaire russe s'accélérait au moment où Comey a été congédié. Au cours des trois dernières semaines, le directeur du FBI recevait des mises à jour quotidiennes plutôt qu'hebdomadaires sur cette enquête qui récoltait des informations susceptibles de démontrer une collusion entre l'entourage du président et la Russie.

Le reportage du Post contient par ailleurs plusieurs détails sur l'état d'esprit qui règne aujourd'hui au sein du FBI. Sous le couvert de l'anonymat, un responsable du corps policier a dit : «Il (le président) a essentiellement déclaré la guerre à plusieurs personnes au sein du FBI. Je pense qu'il y aura un effort concerté pour lui rendre à terme la monnaie de sa pièce.»