Sous ses traits d'Amérindienne, elle passerait pour une soeur du président bolivien Evo Morales. Mais Hisila Yami est népalaise, jusqu'à récemment l'une des deux femmes au politburo du Parti communiste (maoïste) du Népal et ministre du Plan.

Née il y a près de 50 ans dans une famille aisée de Katmandou et architecte formée en Inde, à l'Institut de technologie de Kanpur, Mme Yami porte encore fièrement son nom de guerre, «Camarade Parvati», de l'époque où elle était la femme la plus haut placée de la guérilla maoïste.

«Dans le royaume féodal du Népal, le communisme a longtemps eu un attrait spécial pour les masses. Notre révolution, lancée en 1996, avait ses propres modèles indigènes, dont le mouvement Jhapa des années 70», a-t-elle déclaré hier lors d'un bref passage à Montréal.

Nouvelle phase de lutte

«Notre victoire à l'Assemblée constituante élue en avril est le résultat de cette lutte armée, et nous entrons dans une nouvelle phase où la poursuite de nos politiques doit aller de pair avec la recherche du consensus avec d'autres partis», a-t-elle ajouté.

Cheveux courts légèrement grisonnants, tailleurs et pantalons noirs, tunique blanche, Mme Yami, petite et souriante, est la première émissaire au Canada du nouveau gouvernement dirigé par le chef maoïste Pushpa Kamal Dahal, dit «Prachanda».

Invitée par le Forum canadien pour le Népal, elle repartait hier à Ottawa pour des entretiens avec des fonctionnaires et des élus fédéraux. Contrairement aux États-Unis, le Canada, dont Mme Yami vante la «neutralité», n'a pas mis son parti sur la liste noire d'organisations terroristes.

«L'ancien ambassadeur des États-Unis à Katmandou ne nous parlait pas et faisait beaucoup de bruit. Sa remplaçante fait beaucoup moins de bruit et elle nous parle de temps à autre», a-t-elle confié avec le sourire.

Après de laborieux marchandages au sujet des ministères des Finances, de la Défense et de l'Intérieur, Prachanda vient de former un nouveau gouvernement de coalition, avec les marxistes léninistes du CPN-UML, 3e parti de l'Assemblée constituante, et le Forum Madhesi des droits du peuple (MPRF), 4e parti.

«Tout est à faire»

Mme Yami n'est plus ministre, mais son mari, Baburam Bhattarai, N° 2 du Parti maoïste, est ministre des Finances. L'ancienne présidente de l'Association des femmes révolutionnaires du Népal pense qu'à son retour à Katmandou, elle sera appelée à servir son pays dans d'autres fonctions.

«Tout est à faire en même temps, une nouvelle Constitution républicaine qui mette l'armée au service du gouvernement élu, et une offensive contre les inégalités tribales, ethniques et l'oppression des femmes», a-t-elle dit.

Avec plus de 141 000 km2 de l'Himalaya et près de 30 millions d'habitants, le Népal est coincé entre l'Inde et la Chine, les deux géants émergents de l'Asie, et sa position stratégique intéresse au plus haut point les États-Unis.

Sa culture à prédominance hindoue rapproche le Népal de l'Asie du Sud, mais il souffre sous ce que Mme Yami appelle «l'hégémonisme économique de l'Inde». Prachanda vient d'effectuer en Chine sa première visite à l'étranger, ce qui a grandement déplu aux Indiens. «Ma première visite formelle aura lieu à Delhi», a-t-il assuré.