L'ex-chauffeur de Oussama ben Laden, Salim Ahmed Hamdan, a été déclaré coupable mercredi à Guantanamo de «soutien matériel au terrorisme» par un tribunal militaire d'exception qui a rejeté l'accusation de «complot», à l'issue d'un procès très critiqué.

Ce Yéménite âgé d'une quarantaine d'années, dont plus de six passées dans le camp-prison de Guantanamo, encourt désormais la prison à vie. Les six jurés américains doivent encore décider à quelle peine ils le condamnent.

Coiffé de son habituel turban blanc, M. Hamdan a gardé une expression solennelle pendant la lecture du verdict à l'issue de ce premier procès devant une juridiction militaire d'exception depuis la seconde guerre mondiale.

Lavé des accusations de «complot» alors que les procureurs avaient tenté de le décrire comme un «militant exalté» d'Al-Qaeda impliqué dans ses opérations, il a en revanche été reconnu coupable d'avoir été le chauffeur du chef terroriste et d'avoir ainsi prodigué son aide au réseau terroriste.

Ses avocats ont indiqué qu'ils allaient faire appel de la décision. Ils mettent en doute le fait qu'être le chauffeur de ben Laden puisse constituer un «crime de guerre». C'est «une farce» que M. Hamdan puisse être condamné en vertu d'une loi datant de 2006 - votée au Congrès - alors qu'il a été arrêté en novembre 2001, a ajouté Michael Berrigan, un de ses avocats.

L'appel pourra se dérouler devant un tribunal civil, à Washington.

Immédiatement après l'annonce du verdict, la Maison-Blanche s'est dite satisfaite que «Salim Hamdan ait bénéficié d'un procès équitable».

Ce double verdict «montre que le jury était indépendant» et a été en mesure de prendre une décision «fondée sur les preuves présentées», quitte à rejeter le chef d'accusation de complot, «des éléments essentiels d'un procès équitable», a analysé pour l'AFP Jonathan Drimmer, professeur de droit spécialisé dans les crimes de guerre.

La question de l'équité de ce type de procès devant une juridiction militaire d'exception reste entière. D'autant qu'une vingtaine de nouveaux procès sont prévus, et se tiendront, a confirmé mercredi le Pentagone.

Amnesty International a ainsi relevé que la procédure «ne correspond pas aux normes internationales d'équité», aggravant «l'injustice de plus de cinq années de détention illégale à Guantanamo». Pour le centre pour les droits constitutionnels américain en outre, le procès a violé deux principes fondamentaux de la justice criminelle: «l'interdiction d'utiliser des aveux recueillis sous la contrainte et l'interdiction de lois criminelles rétroactives».

Créées au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, les «commissions militaires» constituées en tribunaux d'exception pour juger des «crimes de guerre» dans le cadre de la «guerre contre le terrorisme» avaient été invalidées en 2006 par la Cour suprême américaine et rétablis par le Congrès.

Elles ont ensuite subi une série de revers juridiques qui n'ont cessé de repousser l'ouverture de ce premier procès d'un détenu de Guantanamo où 265 hommes sont encore détenus par les Etats-Unis.

Tous considérés comme des «combattants ennemis», ils peuvent rester enfermés indéfiniment.

L'administration Bush avait organisé avec soin ce premier procès, en forme de test face aux avalanches de critiques. Elle n'a pas hésité à le comparer aux procès de Nuremberg qui avaient jugé les Nazis en 1945-1946, en diffusant, sur son modèle, un film retraçant les atrocités commises par Al-Qaeda.

Mais «l'accusation a pu produire des aveux de Hamdan qui n'auraient jamais été admis dans une cour fédérale ou martiale», a expliqué Jonathan Drimmer, parce que recueillis sous la contrainte ou sans que M. Hamdan sache pourquoi il était poursuivi.

«Ca minimise l'action de l'administration qui revendique un procès équitable», a ajouté l'expert.

Pendant les audiences préliminaires, M. Hamdan s'était plaint de mauvais traitements.