Les États-Unis et leurs alliés ont subi un revers vendredi au Conseil de sécurité de l'ONU, où la Chine et la Russie ont mis un veto à leur projet de résolution visant à sanctionner le Zimbabwe pour son processus électoral violent et contesté.

Le projet, rédigé par les Américains, a recueilli neuf voix (États-Unis, France, Grande-Bretagne, Belgique, Croatie, Italie, Costa Rica, Panama, Burkina Faso), contre cinq (Chine, Russie, Afrique du sud, Libye, Vietnam) et une abstention (Indonésie). Le texte a donc été rejeté.

Le double veto russo-chinois, événement rare, a été suivi d'échanges acrimonieux, reflétant la profonde division du Conseil de sécurité sur de nombreux sujets, dont le Zimbabwe.

«On est dans une phase clairement non coopérative au Conseil», a commenté un diplomate occidental, sous couvert de l'anonymat. Les dissensions ont été fréquentes ces derniers mois, sur des questions variées comme le Soudan, le Kosovo et la Birmanie.

Le président du Zimbabwe Robert Mugabe s'est déclaré «heureux» du veto au projet de résolution, a indiqué samedi à la BBC l'ambassadeur de ce pays à l'ONU.

«Le président Mugabe est heureux de savoir que les Nations Unies sont encore une organisation où existe une souveraineté égale pour chaque membre et qu'il y a des contrôles dans le système qui protègent les faibles des puissants», a ajouté l'ambassadeur, Boniface Chidyausiku.

Le précédent double veto russo-chinois remontait à janvier 2007, sur une résolution qui aurait exigé de la Birmanie qu'elle cesse la répression et libère ses prisonniers politiques.

«La Russie et la Chine ont pris le parti de M. Mugabe contre le peuple zimbabwéen», a affirmé l'ambassadeur américain, Zalmay Khalilzad après le vote, tandis que la Grande-Bretagne a exprimé sa déception.

Les six opposants au projet sur le Zimbabwe étaient hostiles à l'implication du Conseil dans la crise. Leurs représentants ont tous soutenu que la situation au Zimbabwe «ne constituait en rien une menace pour la paix et la sécurité internationale», seul champ de compétence du Conseil de sécurité.

Ils ont également argué que prendre des sanctions maintenant risquait de compromettre les délicates négociations entre les partis rivaux du Zimbabwe, entamées jeudi à Pretoria sous l'égide de l'Afrique du sud et qui se poursuivaient vendredi.

Le projet prévoyait un embargo sur les armes à destination du Zimbabwe et des sanctions ciblées - interdiction de voyager et gel des avoirs financiers à l'étranger - contre 14 dignitaires du régime, dont le président Robert Mugabe, considérés comme ayant entravé le processus électoral démocratique dans le pays ou participé aux violences.

La réélection de M. Mugabe le 27 juin est jugée illégitime par une large part de la communauté internationale.

Mais tout au long des négociations, les six opposants au texte ont répété qu'il n'entrait pas dans les prérogatives du Conseil de sécurité d'arbitrer des élections.

M. Khalilzad et son homologue britannique, John Sawers, ont accusé la Russie de volte-face, affirmant qu'elle avait approuvé le principe de sanctions contre le Zimbabwe lors du sommet du G8.

«La volte-face dans la position russe est particulièrement surprenante et troublante», a dit M. Khalilzad. L'attitude de la Russie «pose des questions sur sa fiabilité en tant que partenaire au sein du G8», a déclaré l'ambassadeur américain.

«L'action de la Russie est inexplicable», a renchéri M. Sawers.

Leur collègue russe, Vitaly Tchourkine, a rejeté ces allégations, les qualifiant d'«incorrectes» et arguant que la déclaration du G8 ne mentionnait pas spécifiquement l'imposition de sanctions.

M. Chidyausiku a de son côté estimé que «la raison avait prévalu».

À un journaliste qui lui demandait pourquoi M. Khalilzad avait tenu à passer au vote malgré le risque de veto, il a répondu en ironisant: «C'est l'arrogance des Américains. Ils croient qu'ils peuvent gouverner le monde mais ils ne peuvent pas».