Mariages forcés de fillettes au Maghreb, exploitation de petits Népalais dans les cirques en Inde, prostitution forcée de jeunes filles de l'ex-URSS en Europe de l'Ouest, enrôlement de garçons dans les guérillas d'Afrique Les formes d'exploitation de 1,2 million d'enfants dans le monde sont aussi diverses qu'inhumaines.

Mais toujours, c'est le même mécanisme, dit Salvatore Parata, directeur du bureau européen de l'ONG Terre des hommes, une organisation internationale menant des projets d'aide aux enfants victimes de traite dans 40 pays.

«Imaginez une famille pauvre et marginalisée, appartenant peut-être à une minorité ethnique, et qui est la proie de la violence, de l'alcoolisme ou de l'endettement. Le trafiquant sait que cette famille est vulnérable. Il sait que les enfants ne vont pas forcément à l'école. Il va donc proposer de l'aide aux parents, en disant qu'il peut donner un avenir à leur enfant, qui pourra même envoyer de l'argent à la maison, moyennant un petit travail. Comme l'enfant réalise que ses parents sont en difficulté, il va accepter tout de suite, y voyant une chance de réaliser ses rêves.»

Rapidement, l'enfant sera exploité ainsi qu'asservi psychologiquement et physiquement. Il deviendra incapable de s'extraire des mains de son geôlier. À terme, certaines victimes parviendront à recouvrer leur liberté. Mais beaucoup resteront dans le milieu du crime organisé, devenant eux-mêmes trafiquants.

N'oublions pas les victimes

Depuis une quinzaine d'années - et l'ouverture des frontières à la suite de la chute du mur de Berlin - la traite des enfants ne cesse de prendre de l'ampleur. Quelque 1,2 million d'enfants seraient victimes de la traite chaque année dans le monde, selon une estimation de l'Organisation internationale du travail (OIT) datant de 2002. Si la nature clandestine de ce trafic empêche tout recensement précis, son expansion fulgurante fait toutefois consensus dans la communauté internationale.

De manière globale, le trafic de personnes constitue la forme de crime organisé qui connaît la plus forte croissance dans le monde, selon l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime. Seuls les profits illicites tirés du trafic de drogue et d'armes à feu sont plus rémunérateurs.

Cela inquiète tellement qu'en 2002, le président américain George W. Bush a créé au sein du département d'État une section consacrée à la surveillance et au combat du trafic d'être humains.

Mais pour beaucoup, seuls des changements politiques et sociaux pourront mettre un terme à la traite d'enfants. Dans une note publiée en mai 2006, l'Unicef estimait nécessaire «que les gouvernements ratifient les normes juridiques internationales» existantes, mais aussi qu'ils remédient «aux causes profondes du problème: pauvreté, discrimination, exclusion et violence».

Il ne faudrait cependant pas oublier les victimes, insiste M. Parata: «On a toujours voulu s'attaquer aux trafiquants mais on a oublié de savoir ce qu'on allait faire avec les victimes de la traite.»