Ottawa assouplit les mesures visant à protéger les baleines noires de l'Atlantique Nord : il affine en fait les règles fixées l'an dernier qui, selon les responsables, ont permis d'éviter la mort de mammifères en voie de disparition l'an dernier dans le golfe du Saint-Laurent.

Le ministre fédéral des Pêches, Jonathan Wilkinson, et son collègue des Transports, Marc Garneau, ont annoncé les nouvelles règles jeudi à Shippagan, au Nouveau-Brunswick. « Nous avons rencontré des pêcheurs, des expéditeurs, des leaders autochtones, des organisations environnementales et d'autres intervenants pour nous inspirer de manière appropriée des expériences de 2018, a soutenu le ministre Wilkinson en conférence de presse. Nous avons cherché à garantir l'intégrité des initiatives de protection des baleines tout en restant aussi sensibles que possible aux importants intérêts économiques. »

À compter du 28 avril, et jusqu'au 15 novembre, le gouvernement rétablira les limitations de vitesse obligatoires, jusqu'à un maximum de 10 noeuds, pour les navires de 20 mètres ou plus lorsqu'ils se déplacent dans l'ouest du golfe du Saint-Laurent. « Pour veiller à la conformité des navires, la Garde côtière canadienne fournira à Transports Canada l'emplacement et la vitesse des navires qui enfreignent la limite de vitesse, a précisé jeudi le ministre Garneau. Les inspecteurs de Transports Canada évalueront chaque cas [...] et pourront imposer des sanctions pouvant aller jusqu'à 25 000 $. »

Lorsqu'aucune baleine noire ne sera observée dans ce secteur, les navires continueront à être autorisés à se déplacer à des « vitesses opérationnelles sécuritaires » dans certaines parties de deux voies de navigation au nord et au sud de l'île d'Anticosti. Mais la zone où les limitations de vitesse obligatoires s'appliquent sera ajustée cette année en tenant compte des observations de baleines, afin de minimiser l'impact de cette mesure sur les industries des navires de croisière et du transport maritime.

Les mesures de réduction de la vitesse l'an dernier ont amené certains navires de croisière à annuler des visites dans le golfe et ont incité au moins un transporteur maritime à augmenter ses tarifs. De hauts responsables du gouvernement ont précisé jeudi que le secteur sud-est autour des Îles-de-la-Madeleine serait retiré de la zone de limitation de vitesse, contribuant ainsi à réduire l'impact sur les navires de croisière en offrant un passage autour d'une zone à restriction « où aucune baleine noire de l'Atlantique Nord n'a été signalée depuis deux ans ».

En 2017, 12 baleines noires de l'Atlantique Nord avaient été retrouvées mortes dans le golfe du Saint-Laurent. Des nécropsies pratiquées sur sept des baleines ont révélé que quatre étaient mortes d'un traumatisme lié à des collisions avec des navires, tandis que deux décès résultaient d'un empêtrement dans des engins de pêche.

Les engins de pêche

Pour s'attaquer à l'autre fléau qui frappe les baleines noires, l'empêtrement dans les engins de pêche, le gouvernement fédéral compte ajuster la zone fermée toute l'année à la pêche au crabe des neiges, au homard et aux autres pêche à engins fixes, afin de cerner plus précisément la zone où 90 % des mammifères ont été observés l'an dernier durant la haute saison de pêche. Cette zone plus restreinte sera environ deux fois moins grande qu'en 2018, mais elle sera plus étendue du nord au sud, indique Pêches et Océans Canada.

Le gouvernement avait mis en place l'an dernier des fermetures temporaires de la pêche dans les zones où la baleine noire avait été observée. Cette année, la règle ne s'appliquera pas automatiquement aux eaux peu profondes de moins de 20 brasses - à moins qu'une baleine noire n'ait été signalée à ces profondeurs.

Les titulaires de permis de pêche doivent encore signaler par ailleurs tous les engins perdus, et Ottawa a annoncé son intention de mettre en place progressivement le marquage obligatoire des engins d'ici 2020.

L'année dernière, certains pêcheurs avaient déploré le fait que les fermetures dites « dynamiques » et « statiques » étaient lourdes et inutiles lorsqu'aucune baleine ne semblait pourtant se trouver dans les parages.

Ces nouvelles mesures ont été saluées jeudi par les associations de pêcheurs acadiens. Le directeur général de la Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels, Jean Lanteigne, s'est dit « satisfait », même si, « évidemment, ça peut toujours être mieux [...] si on avait pu aller pêcher avant l'arrivée des baleines », a-t-il dit en entrevue. « Il faut arriver à aller pêcher dans cette zone-là - on sait que le contingent de crabes sera supérieur cette année. »

Le représentant du local 1 de l'Union des pêcheurs des Maritimes, Réjean Comeau, estime qu'il s'agit d'« un gain », notamment pour les pêcheurs de crabe des neiges et de homard, « surtout dans le coin de Pigeon Hill et Miscou », dans la péninsule acadienne. La zone de fermeture temporaire de la pêche « empiétait sur leurs zones », a souligné M. Comeau. « Et ils nous ont donné le 10 brasses et le 20 brasses qu'on demandait. »

Les Américains réfléchissent

Aux États-Unis, la Commission des pêches maritimes des États de l'Atlantique avait annoncé mercredi qu'elle examinerait divers scénarios pour réduire de près de moitié les lignes verticales de pêche au homard dans la région.

La commission pourrait par exemple envisager une limitation du nombre de casiers et des fermetures saisonnières de la pêche au homard. Ces initiatives ne seront pas annoncées avant plusieurs mois.

Des chercheurs aux États-Unis ont récemment signalé avoir vu trois veaux de baleine noire au large de la côte atlantique de la Floride.

Le gouvernement fédéral américain a également récemment prolongé la durée d'une zone protégée au large du Massachusetts afin de protéger les baleines noires.

L'Administration nationale des océans et de l'atmosphère a demandé aux marins, jusqu'au 11 février, de traverser la zone à 10 noeuds ou moins, ou simplement de contourner le secteur.