L'Américain Tay Garnett, à qui la Cinémathèque française à Paris rend hommage du 13 mars au 29 avril, est le réalisateur du célèbre The Postman Always Rings Twice et l'auteur d'un livre culte Un siècle de cinéma, réédité 30 ans après sa sortie et introuvable depuis.

Moins connu que ses contemporains Howard Hawks et George Cukor, Tay Garnett, décédé en 1977, a réalisé 44 films dont également Voyage sans retour en 1932, célébré par les surréalistes, et La maison des sept péchés en 1940 avec Marlene Dietrich et John Wayne.

Celui à qui Cecil B. DeMille avait donné sa chance, a signé de nombreuses comédies et dirigé les plus grands comme Humphrey Bogart, Marylin Monroe, Robert Mitchum, Jean Harlow, Clark Gable etc..

«Même s'il n'a pas été admis dans le panthéon des grands artistes du cinéma américain (...) Tay Garnett mérite que l'on revoie attentivement ses films. Ce sont les oeuvres d'un homme inventif, joyeux et sensible, d'un homme libre à Hollywood», selon Jean-François Rauger, directeur de la programmation de la Cinémathèque.

«Les cinéphiles un peu prétentieux disent que Tay était un cinéaste mineur parce qu'il a fait aussi des films moins bons mais comme les autres! Quand on voit ses oeuvres, on reconnaît tout de suite son style», déclare à l'AFP le producteur Thierry de Navacelle, qui, à la fin des années 70, était étudiant en cinéma à Los Angeles où il a rencontré Garnett et s'est lié d'amitié avec lui.

Tay Garnett a eu l'idée incroyable d'aller interroger les grands réalisateurs du moment sur leur vie, leur parcours, leur inspiration, leur métier en leur posant à chaque fois la même vingtaine de questions.

Distribution époustouflante

Tout cela, parce qu'il n'a pas supporté d'avoir enterré son ami John Ford sans qu'il puisse «essayer de démasquer les stratagèmes dont il usait pour donner à ses films un style si personnel», écrit-il dans l'ouvrage.

La distribution est époustouflante: Hawks, Cukor bien sûr, Elia Kazan, Samuel Fuller, King Vidor, Raoul Walsh, mais aussi Jean Renoir, Luigi Comencini, Federico Fellini, François Truffaut, Louis Malle et même les jeunes Martin Scorsese et Steven Spielberg.

Le livre aurait pu ne jamais sortir car personne n'en voulait aux États-Unis. Il aura fallu que Thierry de Navacelle, qui avait aidé Garnett à traduire les réponses des cinéastes français, rencontre Truffaut et que celui-ci lui demande des nouvelles du livre pour qu'il décide de le finir.

La fille de Garnett, Tiela, lui envoie les documents. Truffaut adore le manuscrit complété, présenté et traduit par de Navacelle. Le réalisateur en parle à Gilles Jacob, qui adore aussi et décide de le publier. L'actuel président du Festival de Cannes commençait à l'époque la collection «Bibliothèque du cinéma» chez Hatier.

Sorti en 1982, le livre est rapidement épuisé.

Trente ans plus tard, Thierry de Navacelle réédite lui-même quelque 1500 exemplaires de cet ouvrage (disponible aussi sur internet) à l'écriture limpide et aux réponses souvent drôles.

Ainsi Federico Fellini qualifie sa relation avec les producteurs de «toujours sournoise, faite de coups bas, de persuasions pathétiques et de cris menaçants», bref, «la plus comique et profondément pourrie de notre temps».

«Je vais contacter Scorsese très cinéphile pour qu'il m'aide à publier le livre aux États-Unis», assure encore Thierry de Savacelle.

Il dit aussi encourager Tiela Garnett pour qu'elle écrive la suite, avec un générique où pourraient apparaître Quentin Tarantino et Woody Allen notamment.