(New York) En tournée à New York, le cinéaste Tran Anh Hung et le chef star Pierre Gagnaire vantent l’« art culinaire » français dans leur film La passion de Dodin Bouffant, pré-sélectionné pour les Oscars, une œuvre esthétique critiquée dans l’Hexagone mais qui veut promouvoir la « culture française » à l’international.

Prix de la mise en scène au Festival de Cannes en mai, le long métrage rend « hommage à mon pays qui m’a accueilli quand j’avais 12 ans », a déclaré dans un entretien à l’AFP Tran Anh Hung, réfugié en France en 1975 après la guerre du Vietnam.  

Le long métrage de ce Français d’origine vietnamienne, célèbre pour L’odeur de la papaye verte et Cyclo, est sorti en France début novembre et met en scène un duo de la fin du XIXe siècle entre le gastronome Dodin, incarné par Benoît Magimel, et la cuisinière Eugénie, jouée par Juliette Binoche, unis par une complicité amoureuse et culinaire.

Sous son titre américain The Taste of Things, le film sortira aux États-Unis le 14 février 2024, un mois avant les Oscars où il est pré-sélectionné dans la catégorie meilleur film international.

Il était présenté mardi soir à New York par la Villa Albertine, le bras culturel de la diplomatie française.

« Emerveillé »

Adolescent « émerveillé » par la « culture française », le cinéaste de 60 ans a raconté qu’il cherchait depuis « 20 ans un sujet sur la cuisine » et qu’il voulait « faire un film sur un art » qui « éveille une poésie qui touche profondément » le spectateur.

Avec cette œuvre très esthétique, l’artiste souhaitait aussi saluer « l’esprit français ».

« J’ai choisi l’art culinaire, pas la peinture, pas la musique », a-t-il expliqué à l’AFP à propos de cette adaptation d’un roman suisse de 1920 de Marcel Rouff.  

PHOTO ANGELA WEISS, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le chef français Pierre Gagnaire en compagnie du réalisateur français d’origine vietnamienneTran Anh Hung

Le chef star internationale, Pierre Gagnaire, 73 ans, en a été le conseiller culinaire. Trois étoiles au Guide Michelin (« Hôtel Balzac » à Paris), le restaurateur a d’autres établissements à Paris, Aix-en-Provence, Londres, Tokyo, Séoul, Shanghaï et Dubaï. Il est présent dans une brasserie chic new-yorkaise et intervient à la télévision française dans l’émission Top Chef.

À l’écran, le long métrage fait la part belle à la préparation de festins gargantuesques.

« Arts de la table »

« Dans les cuisines, on construit des choses et on défend notre culture », a déclaré à l’AFP Pierre Gagnaire, venu avec Tran Anh Hung promouvoir leur film aux États-Unis, avant les étapes de sélection et nomination en décembre et janvier pour la cérémonie des Oscars du 10 mars 2024, à Los Angeles.

Au restaurant, « on ne vend pas que du goût, on vend […] tout ce qui tourne autour des arts de la table et c’est aussi une façon de défendre notre savoir-faire », a insisté celui qui avait commencé sa carrière chez lui à Saint-Étienne.

La passion de Dodin Bouffant a été pré-sélectionné en septembre pour représenter la France aux Oscars dans une liste de cinq longs métrages français, dont la dernière Palme d’or à Cannes, Anatomie d’une chute de Justine Triet.

Cette réalisatrice avait profité de la scène cannoise pour critiquer la politique du gouvernement français sur la culture et les retraites.

« Conservatisme rance »

Et malgré quelques critiques élogieuses en France, « Dodin Bouffant » a été qualifié par le journal Le Monde de « Pot-au-feu indigeste », de film « hors-sol, hors d’âge, presque écœurant » par Le Parisien et de « célébration ampoulée du mythe de la gastronomie française, où le food porn se croise à un conservatisme rance », selon le magazine Les Inrockuptibles.

À « ceux qui critiquent le film », Pierre Gagnaire a répondu mardi soir, cinglant, que « c’est la lenteur qui en fait la beauté ».

« Aujourd’hui, on est un peu dans le “vite fait bien fait” alors que ça prend du temps » le cinéma et la cuisine, tranche le chef.