Au Festival du nouveau cinéma afin de recevoir une Louve d’honneur pour l’ensemble de sa carrière et faire l’objet d’une rétrospective, le cinéaste français Bertrand Bonello offrira aussi une classe de maître ce jeudi, et son nouveau long métrage, La bête.

De son premier long métrage, Quelque chose d’organique (1998), film à petit budget tourné en 15 jours, jusqu’à La bête (2023), qui doit prendre l’affiche au Québec au début de l’an prochain, en passant par Saint Laurent (2014), son film le plus coûteux et plus grand succès en carrière, Bertrand Bonello demeure une figure incontournable du cinéma. Il est reconnu pour sa recherche formelle, l’audace de ses mises en scène et sa volonté de créer en toute liberté.

« Pour moi, c’est impensable de m’attaquer à un scénario si je n’ai pas une idée de mise en scène, de la forme. Ce qui importe, ce n’est pas seulement le sujet, l’histoire, les personnages, c’est ce que sera la forme du film. Quand je commence à avoir la forme du film en tête, là, je peux commencer à écrire », confie le réalisateur rencontré la veille de sa classe de maître.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Bertrand Bonello

« Je déteste l’appellation classe de maître parce que ça met dans une position où on est censé savoir des choses, alors que moi, j’ai vraiment l’impression que plus j’avance et moins je sais. Je préfère le mot rencontre. »

Rien ne prédestinait Bertrand Bonello à devenir cinéaste. Musicien de formation classique – il signe d’ailleurs la musique de ses films –, il aimait le cinéma « comme tout le monde ». Ce n’est qu’à 24 ans, tandis qu’il est musicien de studio et accompagne des artistes en tournée, dont Carole Laure et Françoise Hardy, qu’il s’interroge sur son avenir et décide d’aller explorer un nouveau territoire.

« Je me suis jeté là-dedans et je suis tombé amoureux du cinéma et de faire des films, confie le cinéaste autodidacte. Ma fille étudie en cinéma à Concordia et je vois la nature des cours ; on y apprend techniquement et théoriquement des choses, on apprend l’histoire du cinéma. Peut-être que le fait de ne pas avoir fait d’école ne m’a pas formaté et m’a donné une liberté de créer. »

C’est à l’adolescence, durant l’âge doré des vidéoclubs, que s’est manifesté l’intérêt de Bertrand Bonello pour le cinéma, notamment pour le cinéma de genre. Sans se poser de questions sur la qualité des films qu’il louait, il regardait beaucoup de films d’horreur de la fin des années 1970 et du début des années 1980, tels ceux de George Romero, de David Cronenberg et de Dario Argento.

« En revoyant ces films plus tard, je me suis aperçu que c’était de grands metteurs en scène et qu’ils avaient une approche très premier degré du cinéma de genre. C’était une manière de mettre en scène leur peur du monde à travers un cinéma de la peur. Je trouve que le cinéma de genre a deux vertus. D’abord, il est fait pour la mise en scène ; il n’y a pas de bons films de genre sans bonne mise en scène. Ensuite, il permet de dire des choses assez frontalement sur l’état du monde en passant par des biais, des métaphores. »

« La fin d’un cycle »

À 55 ans seulement, voilà donc que Bertrand Bonello s’apprête à recevoir une Louve d’or pour l’ensemble de sa carrière et à faire l’objet d’une rétrospective : « C’est sûr que ça fait un peu bizarre, mais en attaquant la rétrospective, je sens que c’est la fin d’un cycle. Quelque chose d’organique est un tout petit film que j’ai tourné à Montréal, ensuite j’ai tourné tous mes films à Paris, excepté Zombi Child où je suis parti en Haïti. J’ai fait des films très français, dont Saint Laurent et L’Apollonide – les maisons closes au XIXe siècle, c’est très parisien. Je pense que j’ai vraiment fait le tour de Paris, de quelque chose de français. »

PHOTO CAROLE BETHUEL, FOURNIE PAR LE FESTIVAL DU NOUVEAU CINÉMA

George MacKay et Léa Seydoux dans La bête

L’autre élément qui marque la fin d’un cycle pour le cinéaste, c’est La bête, film d’anticipation mâtiné d’horreur raconté en trois temps qui met en vedette Léa Seydoux et George MacKay. Tandis qu’il relate l’histoire d’une actrice voulant purifier son ADN, le cinéaste se livre à une réflexion sur l’intelligence artificielle. Au moment d’écrire le scénario, il était loin de se douter que le sujet prendrait autant de place dans l’actualité.

« J’ai commencé à écrire La bête il y a quatre ou cinq ans, mais je me suis interrompu pour tourner Coma et Zombi Child parce que le film a été très dur à écrire, très dur à financer. Il a vécu beaucoup de problèmes de planning à cause de la COVID-19, puis il y a eu la mort de Gaspard Ulliel, qui devait y jouer. Je pense que La bête, c’est un peu l’aboutissement de plein de choses que j’ai faites. C’est une somme, en fait, qui clôt quelque chose. Et après ?… Je ne sais pas. »

La classe de maître de Bertrand Bonello est présentée à la Cinémathèque québécoise, ce jeudi, à 17 h 30.

Le film La bête est présenté au Cineplex Quartier latin, le dimanche 15 octobre, à 19 h 30.

Bertrand Bonello – Programme 1 : Identité(s) cinéma, à la Cinémathèque québécoise, le samedi 14 octobre, à 15 h.

Bertrand Bonello – Programme 2 : Musique, art et danse, à la Cinémathèque québécoise, le samedi 14 octobre, à 16 h 30.