(Angoulême) Consacrée par un festival au succès croissant, Katell Quillévéré a remporté dimanche le premier prix du Festival du film francophone d’Angoulême pour Le temps d’aimer, une fresque historique et sentimentale sur le devenir d’une femme tondue pour avoir eu une relation avec un soldat allemand pendant la Seconde Guerre mondiale.

1947. Sur une plage de Normandie, dans le nord-ouest de la France, Madeleine (Anaïs Demoustier), serveuse dans un hôtel-restaurant, mère d’un petit garçon, fait la connaissance de François (Vincent Lacoste), un étudiant riche et cultivé mais mystérieux. Le coup de foudre est immédiat.

Les deux s’unissent très vite. Pour Madeleine, cette union est une opportunité : oublier les horreurs de la guerre et surtout son amant pendant l’occupation, un militaire allemand avec lequel elle a eu un fils, Daniel. Tondue et chassée de chez elle, Madeleine est une femme meurtrie et blessée.

Fruit de plusieurs années de travail, ce film, qui avait d’abord été présenté hors compétition au Festival de Cannes en mai, est inspiré de la vie de la grand-mère de la réalisatrice, qui a eu un enfant à 17 ans avec un soldat de la Wehrmacht.  

Le prix à Angoulême sonne-t-il l’heure de la reconnaissance pour Katell Quillévéré ? « J’ai l’impression que la vie de mon film démarre vraiment ici et c’est un sentiment merveilleux », a-t-elle déclaré en recevant sa statuette.

À 43 ans, pas totalement inconnue mais pas encore dans la lumière, cette cinéaste de l’émotion et des histoires souterraines avait connu de jolis succès avec ses précédents films.

Suzanne, le récit d’un amour qui emporte tout avec Adèle Haenel et Sara Forestier, et Réparer les vivants (2016), une adaptation du live à succès de Maylis de Kerangal, qui raconte une greffe de cœur à toute vitesse.  

À chaque fois, elle cosigne les scénarios de ce qu’elle appelle les « histoires souterraines ». Celles qu’un pays ou une famille ne veut pas raconter et qu’il faut « arracher ». Comme lorsqu’elle cosigne en 2022, avec Hélier Cisterne, la série Le monde de demain sur la naissance du hip-hop français.  

Le temps d’aimer s’inscrit dans cette quête. « C’est une histoire qui est restée secrète pendant très longtemps », avait confié la cinéaste à l’AFP en mai. « Quand la vérité a fini par se savoir, j’ai eu envie de faire ce film, qui n’est pas totalement autobiographique ».  

Succès populaire sous 40°

Le Festival d’Angoulême, dont le jury était présidé par Laetitia Casta, a aussi doublement primé Rosalie, de Stéphanie Di Giusto, qui a obtenu le prix Valois de l’actrice pour Nadia Tereszkiewicz et celui de la musique pour Hania Rani.

Le prix Valois du scénario a été décerné à Yolande Moreau et Frédérique Moreau, pour La Fiancée du poète, de Yolande Moreau, ancienne vedette de la série des Deschiens.

Pour sa 16e édition, le Festival connaît un succès grandissant, avec de nouveau une fréquentation record : malgré une chaleur caniculaire, 58 000 personnes se sont massées dans les salles contre 52 000 en 2022.  

Le public est séduit par cet évènement populaire et par son pass, qui pour quelques de dizaines d’euros permet de voir une série de films pas encore sortis en salle.

Même succès du côté des vedettes, ravies de voir leur film confronté à un vrai public. À Angoulême, pas de tapis rouge et une ambiance moins glamour qu’à Cannes mais Diane Kruger, Laure Calamy, Karin Viard, Benjamin Biolay ou encore Mathieu Kassovitz étaient cette année au rendez-vous.

Son co-créateur, Dominique Besnehard, a expliqué à l’AFP qu’il voulait en faire « un pont avec Cannes mais rester un festival défricheur », rappelant qu’Angoulême avait en 2011 le premier projeté Intouchables, un énorme succès du cinéma français avec près de 20 millions d’entrées.