Les propriétaires de cinémas canadiens surveillent nerveusement l’évolution de la double grève à Hollywood et prévoient présenter plus de classiques, de films cultes et d’évènements en direct si les conflits de travail se prolongent.

Les propriétaires s’attendent à ce que les vedettes en grève représentées par la Screen Actors Guild-American Federation of Television and Radio Artists (SAG-AFTRA), et les talents soutenus par la Writers Guild of America, soient sur les lignes de piquetage pendant des mois tandis qu’ils militent pour de meilleurs salaires et des protections contre l’intelligence artificielle.

Les grèves, qui ont immédiatement interrompu la production et la promotion de films et d’émissions de télévision, risquent de ralentir le flux de contenu, car les studios et distributeurs manquent de films achevés avant la grève.

« Je suis absolument pétrifié à ce sujet », a déclaré Jeff Knoll, directeur général de Film.ca Cinemas, à Oakville, en Ontario.

« Nous avons à peine survécu à la pandémie […] et nous sommes assez inquiets de ce que l’avenir nous réserve avec tout ce qui se passe à Hollywood en ce moment. »

Cette semaine, le cinéma de M. Knoll a programmé des projections de Mission : Impossible-Dead Reckoning Part One et Indiana Jones and the Dial of Destiny, ainsi que les très attendus Barbie et Oppenheimer.

Cependant, M. Knoll craint que les cinéphiles aient attendu des mois et même des années, pour assister à des évènements qui vont finalement s’essouffler bientôt.

« Il ne fait aucun doute que si la grève se prolonge (les studios) devront soit commencer à diffuser leur contenu, soit simplement le reporter jusqu’à un moment futur où ils prévoient que la grève sera terminée », a-t-il expliqué.

Impact du manque de promotion

Même s’ils ne changent pas leurs horaires de sortie, M. Knoll pense que les cinémas seront durement touchés par un manque de promotion autour des films.

Les grèves empêchent les vedettes de marcher sur les tapis rouges, de participer à des conférences de presse et à des entrevues et de filmer du nouveau matériel promotionnel.

La distribution d’Oppenheimer, par exemple, a quitté sa première en solidarité avec les grévistes la semaine dernière, tandis que Disney a envoyé Mickey et Minnie Mouse, Maléfique et Cruella de Vil sur le tapis rouge de The Haunted Mansion à la place des vedettes Tiffany Haddish, Danny DeVito et Rosario Dawson.

M. Knoll soupçonne également que le nouveau Mission : Impossible a eu un parcours difficile au box-office à cause des grèves.

« Il n’a pas fonctionné comme il était censé le faire pendant le week-end et cela pourrait très bien être dû au fait qu’il n’y avait pas autant de publicité avec les vedettes, en particulier Tom Cruise, avant le jour de l’ouverture », a-t-il soutenu.

Si la projection de nouveaux films ralentit, M. Knoll dit qu’il tentera de faire venir plus d’œuvres canadiennes et de films provenant de régions du monde moins touchées par la grève. Les films de Bollywood et les projections de succès comme « Harry Potter » pourraient également être ajoutés à l’horaire de Film.ca.

Les cinémas indépendants moins touchés ?

Corinne Lea, la directrice générale du Rio Theatre de Vancouver, prévoit également être astucieuse avec la programmation, mais elle souligne que ce n’est rien de nouveau pour les cinémas indépendants.

Avant les grèves, le Rio devait attendre entre trois et six mois pour projeter certains films que Cineplex, la plus grande chaîne de cinéma du pays, avait depuis des mois.

En conséquence, le Rio a souvent projeté de nouveaux films des mois après leur sortie et s’est appuyé sur une rotation de spectacles burlesques et de drag déjà sortis et de succès canadiens.

Son horaire de juillet comprend des projections de Star Wars, un spécial de Grease pour chanter en chœur et le drame de Jean-Luc Godard Pierrot le fou, issu de la Nouvelle Vague française. Des centaines de personnes se présentent à ses projections de succès classiques comme le Rocky Horror Picture Show, a ajouté Mme Lea.

« Nous sommes habitués à ne pas pouvoir obtenir de contenu actuel », a-t-elle indiqué.

« Cette grève va faire plus de mal à Cineplex qu’elle ne nous fera de mal, parce que tous les cinémas qui dépendent réellement du contenu actuel sont ceux qui vont avoir un problème. Mais parce qu’on nous en a refusé l’accès pendant si longtemps, nous sommes devenus comme des caméléons créatifs », a-t-elle illustré.

Des conséquences, mais à long terme

En mai, lorsque les 11 500 scénaristes de cinéma et de télévision représentés par la Writers Guild of America ont entamé une grève, le directeur général de Cineplex, Ellis Jacob, ne s’attendait pas à ce que la grève ait un impact important sur ses activités.

La télévision et les sites d’écoute en ligne, dont le contenu est terminé peu de temps avant sa sortie, ont tendance à ressentir l’effet de ces grèves, pas les cinémas, a-t-il expliqué.

« Je dis toujours aux gens oui, ça va nous affecter, mais ça va prendre beaucoup de temps pour nous affecter », a-t-il plus tard affirmé en entrevue avec La Presse Canadienne.

« Nous parlons dans trois ans, car beaucoup de films sont déjà en cours de production. »

Dans un courriel, un porte-parole de Cineplex a déclaré : « Comme tout le monde dans l’industrie, nous espérons que SAG-AFTRA et la WGA pourront parvenir à une résolution rapide avec l’AMPTP (les studios américains). »