(Cannes) Dans un festival qui aime entretenir sa propre mythologie, Catherine Deneuve a eu l’honneur d’ouvrir officiellement une édition où le film d’ouverture ramène une page de l’histoire de France grâce à Maïwenn et à un certain Johnny Depp…

Ça ne pouvait être qu’elle. Son air enjoué et désinvolte, capté en 1968 par le photographe Jack Garofalo alors qu’elle tournait La chamade (Alain Cavalier), irradie de partout cet endroit mythique qu’est Cannes, où l’on entretient précieusement la magie du cinéma et de ceux qui en font. Il y avait d’ailleurs quelque chose d’assez surréaliste à regarder Catherine Deneuve monter les marches à la cérémonie d’ouverture sans même lever les yeux pour regarder les immenses affiches surplombant toutes les façades du Palais des festivals, lesquelles nous ramènent à cet instant lumineux de 1968.

En compagnie de Michael Douglas, lauréat d’une Palme d’or d’honneur, Catherine Deneuve a déclaré officiellement ouvert le 76e Festival de Cannes, non sans avoir auparavant récité le passage d’un poème écrit par Lessia Oukraïnka, une autrice ukrainienne. Dans ces circonstances, il était tout à fait naturel que la cérémonie soit menée par Chiara Mastroianni, fille de Catherine Deneuve, sur une scène encore surplombée en permanence par cette affiche rappelant un moment survenu il y a 55 ans.

PHOTO LOIC VENANCE, AGENCE FRANCE-PRESSE

Catherine Deneuve à son arrivée à la cérémonie d’ouverture

Cela dit, tous les yeux étaient tournés vers un seul homme avant la cérémonie : Johnny Depp. Ceux qui s’interrogeaient sur la présence ou le genre d’accueil réservé à celui qui effectuait mardi sa première véritable sortie publique depuis le procès très médiatisé l’ayant opposé à son ancienne femme Amber Heard ont vite obtenu leur réponse. L’acteur a été chaleureusement applaudi à son arrivée. Sans doute pour dissiper aussi les rumeurs de mésentente avec la réalisatrice ayant couru pendant le tournage, l’interprète de Louis XV dans Jeanne du Barry, sélectionné en ouverture, s’est montré solidaire de Maïwenn en prenant place tout juste à côté d’elle dans le Grand Théâtre Lumière, pas très loin de Xavier Dolan, un invité souvent montré à la caméra.

Après les présentations des membres du jury et de son président, Ruben Östlund, la cérémonie a pris fin avec une citation que Chiara Mastroianni a empruntée au cinéaste américain George Cukor : « Le cinéma, c’est comme l’amour. Quand c’est bien, c’est formidable, quand c’est pas bien, c’est pas mal quand même ! »

Un beau film classique

Alors, « formidable » ou « pas mal quand même », cette Jeanne du Barry ? Ce sixième long métrage de Maïwenn à titre de réalisatrice, dont elle rêvait depuis ce jour de 2006 où elle a vu Asia Argento incarner le personnage dans le Marie-Antoinette de Sofia Coppola, est un beau film de facture classique. Empruntant cette fois une approche très différente de celles de ses longs métrages précédents, de Polisse à ADN en passant par Mon roi, Maïwenn s’offre cette fois un drame biographique d’époque luxueux, un film « à costumes » tourné en partie à Versailles, construit autour du parcours d’une femme « scandaleuse », trop libre pour son époque.

La réalisatrice prend visiblement plaisir à incarner elle-même cette roturière ayant réussi à attirer l’attention – et l’affection – du roi Louis XV, provoquant ainsi l’hostilité de la cour à son égard, ne voyant en elle qu’une vulgaire « fille des rues » issue de la plèbe. Raconté sous la forme d’un conte par une voix hors champ, le récit se révèle plus solide – et intéressant – dans sa première partie, alors qu’on décrit l’ascension improbable de cette courtisane jusqu’à son statut de favorite de Louis XV. Avec, en prime, un regard critique – et souvent drôle – sur les us et coutumes de la monarchie. La seconde partie, laquelle fait écho à sa déchéance après la mort du roi, est plus appuyée et force davantage l’émotion.

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Maïwenn et Johnny Depp dans Jeanne du Barry. Ce long métrage de Maïwenn a ouvert le bal du 76e Festival de Cannes.

Visuellement splendide, Jeanne du Barry, présenté hors compétition, est aussi marqué par la présence de Johnny Depp. L’acteur américain livre sa première réplique à la 29e minute du long métrage et ne s’en tire pas trop mal au chapitre de la prononciation, même si, bien sûr, l’accent n’est pas totalement effacé. Cela dit, on a manifestement réduit ses dialogues au strict minimum et il ne se lance jamais dans de longues envolées où il aurait pu s’empêtrer. Puisqu’il fait partie de ces acteurs pouvant tout exprimer d’un simple regard, sa présence magnétique à l’écran reste intacte.

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Johnny Depp et Maïwenn dans Jeanne du Barry, un film de Maïwenn

Lors d’une courte déclaration faite sur le tapis rouge au profit de France 2, diffuseur officiel des cérémonies du Festival de Cannes, l’acteur a expliqué que, bien que ne maîtrisant pas vraiment la langue française, il a pu s’exercer sans trop de mal en tenant compte du contexte historique. « J’ai pu me rapprocher du français du XVIIIe siècle grâce à un coach. Maïwenn est une réalisatrice puissante. Vraiment. »

Bien que Jeanne du Barry prenne l’affiche ce mercredi dans les salles françaises, on ne sait toujours pas si une entente de distribution a été conclue avec un distributeur québécois ou nord-américain. Dossier à suivre…