Cinq ans après Call Me by Your Name, Timothée Chalamet et le cinéaste italien Luca Guadagnino refont équipe dans Bones and All, un film singulier, dont l’histoire comporte un tout autre type de romance. Il évoque également, de façon pour le moins spectaculaire, le monde dans lequel on vit.

Il y a quelques décennies, Catherine Deneuve et David Bowie incarnaient dans The Hunger (Les prédateurs), de Tony Scott, des vampires contemporains qui, ponctuellement, avaient besoin de se nourrir. On retrouve un peu le même genre de dynamique dans Bones and All, à la différence que les protagonistes mangent leur prochain plutôt que de se contenter de boire le sang de leurs victimes…

PHOTO FOURNIE PAR METRO-GOLDWYN-MAYER

Taylor Russell et Timothée Chalamet dans Bones and All, un film de Luca Guadagnino

D’un point de départ aussi énorme, qui lui permet d’insérer des éléments un peu gore (mais pas trop) dans sa mise en scène, Luca Guadagnino tire un road movie campé dans le Midwest américain des années  1980, au cœur duquel figure une histoire d’amour exacerbée. Le vocable « romance cannibale », déjà affublé à ce drame (inspiré du livre de Camille DeAngelis), se révèle ainsi assez juste.

Il y a d’abord cette jeune femme, Maren (Taylor Russell), qui tentera de comprendre d’où viennent ces pulsions qui la tenaillent depuis l’enfance. Cette dernière est d’ailleurs vite repérée par un homme de même condition (Mark Rylance), attiré par une odeur que peuvent sentir celles et ceux, très rares, faisant partie de cette étrange communauté. Auprès de ce vétéran, Maren pourra apprendre les tenants et aboutissants de sa condition, qu’elle devra gérer toute sa vie.

Sur sa route, Maren croisera aussi Lee (Timothée Chalamet), un jeune homme qui, très rapidement, la « reconnaît ». Ces deux êtres, qui se sentent en marge de la société, se sont ainsi « trouvés ». Et feront un bon bout de chemin ensemble, dans une histoire où Luca Guadagnino ne craint pas le lyrisme non plus.

Une métaphore de notre époque

Au cours d’une conférence de presse tenue avant la projection officielle de ce long métrage en lice pour le Lion d’or, Timothée Chalamet a expliqué en quoi il voyait en ce long métrage une métaphore de notre époque, particulièrement après la pandémie des deux dernières années.

« Ces personnages ressentent un grand sentiment d’isolement, a-t-il fait remarquer. Les contacts sociaux nous aident à comprendre où nous sommes dans le monde et quand nous en sommes privés, on ne ressent plus de sentiment d’appartenance. Ce n’est pas que nous sommes des êtres foncièrement narcissiques en manque d’attention, mais on a quand même besoin de ces contacts avec les autres. Je crois avoir ressenti le sentiment d’isolement que ressent Lee [son personnage] à un certain moment dans l’histoire. »

PHOTO MARCO BERTORELLO, AGENCE FRANCE-PRESSE

Mark Rylance, Taylor Russell, Luca Guadagnino, Timothée Chalamet et Chloë Sevigny

Portant aussi le chapeau de producteur, l’acteur fut impliqué dans toutes les étapes créatives et a travaillé en étroite collaboration avec Luca Guadagnino, celui qui, a-t-il déclaré récemment, « a changé [sa] vie ».

Bones and All étant également un film qui parle de la jeunesse, particulièrement celle qui se vit dans la marginalité et le désœuvrement, Timothée Chalamet a également évoqué le climat toxique dans lequel évolue la société contemporaine.

« Être jeune aujourd’hui, c’est être intensément jugé en permanence, a-t-il fait valoir. C’était un soulagement de jouer des personnages aux prises avec un dilemme intérieur, à une époque où n’existait pas la possibilité d’aller sur Reddit, Twitter, Instagram ou TikTok en cherchant une validation. Je ne porte pas de jugement là-dessus – si tu te trouves une communauté là, tant mieux –, mais la vie est difficile aujourd’hui. Je crois qu’un effondrement social est dans l’air – ça ressemble à ça – et j’espère, sans prétention aucune, qu’on puisse reconnaître la pertinence de ces films. Je crois que le rôle d’un artiste est de jeter un éclairage sur ce qui se passe. »

Bones and All prendra l’affiche le 23 novembre au Québec.