Après avoir tourné des documentaires dans des points chauds de la planète, Alexandre Trudeau se lance dans la fiction. Son premier court métrage, inspiré d’une légende autochtone, sera diffusé cette semaine au réseau CBC.

Âpre fumée

L’histoire se déroule en hiver, pendant une nuit glaciale, il y a des centaines d’années. Une femme autochtone et son enfant attendent le retour du père. Seuls et affamés, ils devront soudainement lutter contre une horrible menace. « C’est une légende noire et terrible sur l’instinct de survie », dit Alexandre Trudeau. Le film de 14 minutes est tourné dans la langue ancienne des Ojibwés, un peuple de la famille algonquienne. Wiisgaapte sera diffusé avec sous-titres anglais, le 10 mai à 00 h 30, à l’émission Canadian Reflections, spécialisée dans les courts métrages, au réseau CBC. La traduction du titre est Âpre fumée ou Bitter Smoke.

Travail d’équipe

Le film a nécessité plusieurs nuits de tournage et le travail d’une trentaine de personnes, dont trois acteurs. « On a travaillé comme des fous, dit le réalisateur. Mais une des belles choses de ce métier, c’est de collaborer avec d’extraordinaires artisans avec qui tu partages ta vision. » Le rôle principal, celui de la mère, est tenu par la comédienne Cara Gee. « Je ne peux pas imaginer ce film sans sa participation, précise-t-il. Ce rôle lui a permis de jouer dans la langue de sa grand-mère ojibwée. Elle nous fait voyager dans ce monde. »

Respect et délicatesse 

À l’heure du débat sur les questions d’appropriation culturelle, le travail d’Alexandre Trudeau s’est fait dans le respect des Premières Nations. « Je comprends les sensibilités quand on raconte des histoires qui leur appartiennent, précise-t-il. Et il faut le faire avec beaucoup de délicatesse. » Il l’a fait dans le choix des comédiens. Mais aussi grâce à l’appui de la Dre Shirley Williams, professeure émérite à l’Université Trent. Cette éminente personnalité autochtone lui a servi de référence tant pour le récit que pour la langue. « Cela dit, les histoires ne sont pas une ressource limitée, dit-il. Quand on raconte une histoire, on ne l’enlève à personne. On la multiplie. »

Vers les longs métrages

Alexandre Trudeau a fait du documentaire, car il avait « la facilité du voyage et la compréhension du monde géopolitique ». Comme journaliste indépendant, il a levé le voile sur des problèmes politiques et socioéconomiques. Il a parcouru le Canada et des zones de conflit, comme le Darfour, l’Irak, Israël et la Palestine. « Mais, depuis toujours, c’est la fiction qui me motive, dit-il. C’est ce qui permet de vraiment pénétrer la nature humaine. » Le réalisateur souhaite un jour transformer en longs métrages des mondes complexes et des drames extraordinaires. « C’est une grosse tâche, admet-il. Mais je m’y mets. »

Développer son langage

D’ici là, le court métrage lui permet d’entrer dans le monde de la fiction et de développer son langage. « J’y vois un prototype pour le style de cinéma que je veux faire. » Comme dans le documentaire, il veut dresser le portrait de gens qui subissent d’immenses pressions. « Quand on enlève l’artifice, le confort et les habitudes de vie, on voit la vraie nature humaine », dit-il. Le réalisateur veut montrer des gens ordinaires qui vivent des circonstances extraordinaires. « Parce qu’ils sont transformés, ils nous présentent toute la gamme de possibilités qui s’ouvrent à nous, ajoute Alexandre Trudeau. Et ils révèlent ce que nous sommes vraiment. »

Portrait du réalisateur

Alexandre Trudeau, 45 ans, est un réalisateur, un auteur et un journaliste indépendant. Diplômé en philosophie de l’Université McGill, il vit à Montréal. Fondateur de la maison de production Films JuJu, il a réalisé plusieurs films documentaires, notamment Au cœur de l’Irak, Maudite Terre Sainte et Refuge : un film sur le Darfour. En 2016, il a publié le livre Un barbare en Chine nouvelle. Il est le fils de Pierre Elliott Trudeau et le frère de Justin Trudeau.