Road Atlanta, Géorgie La question est éternelle: quelle quantité de puissance et quel niveau de performances correspondent à la limite des capacités de l'humain moyen? Dans l'univers de la moto de grande production, surtout en ce qui concerne les sportives de pointe, le chiffre de 200 chevaux a longtemps fait frémir les pilotes les plus téméraires. Et pourtant, comme c'est le cas de la toute nouvelle Kawasaki Ninja ZX-10R 2011 à l'essai ici, ainsi que de quelques autres modèles, il s'agit d'un seuil aujourd'hui pratiquement atteint. Cette puissance a-t-elle amené l'apocalypse? A-t-elle généré une hécatombe?

Mais non!

En fait, comme ç'a été le cas avec l'ultrapuissante S1000RR de BMW l'an dernier, la réalité, c'est que l'extraordinaire niveau de performances proposé par la nouvelle ZX-10R s'avère parfaitement maîtrisable par un humain normal, du moins tant qu'il s'agit d'un motocycliste expert.

L'électronique

Le secret derrière la docilité très relative - n'oublions pas qu'on parle quand même de l'un des véhicules les plus rapides de la planète - de cette toute nouvelle génération de la 10R est le même que celui qui se cache derrière la maîtrise d'une voiture de 600 chevaux: l'électronique. Ou, plus précisément, l'assistance électronique au pilotage. La mouture 2011 de la ZX-10R est bardée d'électronique et possède plus de ce type d'assistance que n'importe quelle autre moto de production.

Le «bras» de l'électronique est même tellement long qu'on ne peut plus parler de simple contrôle de traction de la roue arrière - une caractéristique qui était révolutionnaire il y a à peine deux ans -, mais qu'on doit plutôt désormais faire référence à un système de gestion du comportement de la moto. Le temps où l'ordinateur de bord d'une moto ne servait qu'à calculer les données requises pour le fonctionnement du système d'injection est décidément révolu, puisque des gyroscopes et des accéléromètres font désormais partie des outils embarqués de ces ordinateurs, dont la puissance a par ailleurs été multipliée.

Le résultat est un cerveau numérique ayant non seulement la capacité de mesurer l'angle d'inclinaison en virage et l'assiette de la moto lorsque la roue avant s'envole en pleine accélération - un trait de comportement tout à fait commun sur des modèles de ce calibre -, mais qui scrute aussi les moindres gestes du pilote. Chez Kawasaki, on annonce carrément que tout cet arsenal donne à la ZX-10R la capacité de prévoir un dérapage de l'arrière avant qu'il ne se produise. Elle y arrive en analysant 200 fois par seconde les données recueillies par une foule de sondes, dont une est particulièrement intéressante, puisqu'elle est installée dans l'accélérateur et communique en temps réel le moindre mouvement de la main droite du pilote à l'ordinateur, qui en fait l'interprétation. Le pilote se trouve-t-il en pleine accélération en sortie de courbe? Est-il en plein équilibre, en train de doser les gaz alors que la roue avant n'est plus au sol? Est-il à gaz constant en milieu de courbe? Chacun de ces scénarios est marié à une cartographie préprogrammée, et la dose de puissance jugée la plus appropriée est relâchée.

 

Pour le pilote qui s'en tient à la route et qui conduit sans excès, toute cette technologie se traduit surtout par une protection contre le patinage de l'arrière et contre le soulèvement extrême de l'avant. Mais pour celui qui compte pousser l'engin dans ses derniers retranchements sur circuit, cette technologie change tout. D'un coup, l'acte très délicat de doser les gaz en sortie de courbe n'est plus aussi terrifiant, puisque l'ordinateur se charge de gérer la puissance et d'éviter les dérapages. Même les wheelies, ou cabrages, inévitables avec une telle cavalerie, deviennent plus faciles à maîtriser, puisque l'ordinateur empêche l'avant de trop se soulever et va même jusqu'à contrôler l'élévation. Les freinages ne sont pas laissés sans surveillance non plus, puisqu'un système ABS conçu spécifiquement pour la conduite sur piste élimine la possibilité de blocage des roues.

De manière générale, l'efficacité des toutes ces aides électroniques est extraordinaire et comme on n'est qu'au tout début de cette ère, leur présence sur les motos ne fera que s'accentuer. Personnellement, même si j'ai énormément apprécié le fait de bénéficier d'un ange gardien alors que je donnais tout ce que j'avais sur le circuit de Road Atlanta, en Georgie, où le modèle a été présenté à la presse, quelque chose m'a agacé. Pour la première fois de ma «carrière» de motocycliste, dans des circonstances extrêmes, il faut le dire, une moto décidait pour moi. Soudain, je commençais à comprendre ces pilotes de Formule 1 et de MotoGP déclarant parfois sentir leurs mains liées par l'électronique.

Bertrand Gahel est l'auteur du Guide de la Moto.

Les frais de transport et d'hébergement pour la réalisation de ce reportage ont été payés par Kawasaki.

FICHE TECHNIQUE

Marque: Kawasaki

Modèle: Ninja ZX-10R

Prix: 16 499$ (ABS: 17 299$)

Garantie: 1 an/kilométrage illimité

Moteur: 4-cylindres en ligne DACT de 998 cc refroidi par liquide

Transmission: 6 rapports

Poids: 198 kg (en ordre de marche)

Frein avant: 2 disques avec étriers à 4 pistons

Frein arrière: 1 disque avec étrier à 1 piston

Pneu avant: 120/70-17

Pneu arrière: 190/55-17

Photo fournie par Kawasaki

La mouture 2011 de la ZX-10R est bardée d'électronique et possède plus de ce type d'assistance que n'importe quelle autre moto de production.