Notre télé est-elle assez bonne pour conquérir nos voisins du Sud ? Oui, répondent unanimement les producteurs québécois.

Selon eux, la qualité des séries québécoises n’explique aucunement leurs difficultés à percer le marché américain. « Ce n’est pas une question de produit », souligne Alexandre Avon, vice-président à la distribution internationale d’Amuz Distribution, une division de ComediHa !

Même son de cloche du côté de Josée Vallée, vice-présidente exécutive aux fictions et longs métrages de Sphère Média. « Notre télé est audacieuse par rapport aux séries qu’on peut voir sur CBS, ABC et l’ensemble des chaînes généralistes [américaines] », estime-t-elle.

Sphère Média a d’ailleurs réussi à vendre les droits de diffusion de Transplant, sa série anglophone avec Laurence Lebœuf, au réseau NBC en 2020. La chaîne américaine a récemment annoncé qu’elle allait bientôt diffuser les troisième et quatrième saisons du drame médical tourné à Montréal. « Est-ce qu’on profite des grèves [qui paralysent toute la production hollywoodienne] ? Peut-être. Mais NBC diffuse Transplant depuis l’an un, et pas dans n’importe quelle case horaire : le soir à heure de grande écoute », rappelle Josée Vallée.

PHOTO FOURNIE PAR BELL MÉDIA

Jim Watson, Laurence Lebœuf, Ayisha Issa et Hamza Haq dans Transplant

Le succès de Transplant pourrait-il ouvrir la porte à l’adaptation canadienne-anglaise de Plan B, mettant en vedette Patrick J. Adams, Karine Vanasse et François Arnaud, que CBC a diffusée l’hiver dernier ? Sachant que l’œuvre des scénaristes a déjà trouvé écho en Belgique, en France et en Allemagne, on pourrait croire que oui. Mais rien n’est garanti.

D’après plusieurs producteurs, les performances des séries québécoises outre-Atlantique prouvent d’ailleurs que notre télévision peut rivaliser avec l’offre de n’importe quel autre pays sur l’échiquier international. Au cours des dernières années, des séries comme Boomerang, Like-moi, 30 vies, Les Parent, Les beaux malaises, Les Bougon, Pour Sarah et Fugueuse ont toutes fait l’objet d’adaptations en Europe.

Et d’autres, comme Audrey est revenue et C’est comme ça que je t’aime, y ont été présentées en version originale avec sous-titres.

Continuer d’insister

Malgré notre faible taux de réussite, la plupart des producteurs québécois continuent de cogner aux portes d’Hollywood. « Il faut continuer d’insister, dit Nicola Merola, président de Pixcom [La faille, Victor Lessard]. C’est archi-important. Chaque année, on prévoit un budget pour faire du démarchage partout à l’extérieur du Québec. »

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Nicola Merola, président des Productions Pixcom

Et c’est difficile pour tout le monde de percer à Hollywood. Ce n’est pas parce que c’est nos voisins que c’est plus facile. C’est difficile pour tout le monde.

Nicola Merola, président de Pixcom

« Je reste optimiste, indique Alexandre Avon, de ComediHa ! On devrait annoncer certaines percées au cours des prochains mois. »

De son côté, Josée Vallée estime que l’avenir est prometteur. L’ascension internationale de réalisateurs comme Denis Villeneuve, Philippe Falardeau ou le regretté Jean-Marc Vallée, et d’actrices comme Sophie Nélisse (Yellowjackets) attire les regards. La montée de Netflix, et des séries étrangères qu’elle relaie, aurait également contribué à « ouvrir » les Américains à « d’autres tons et d’autres accents », indique la productrice.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Le regretté réalisateur québécois Jean-Marc Vallée

« Les distributeurs américains s’intéressent à ce qu’on fait. On est quand même sur leur radar », soutient-elle.

Pour favoriser une éventuelle percée des productions originales québécoises aux États-Unis, une aide financière sera requise, croit Martin Petit, créateur des Pêcheurs, que Netflix a adaptée en 2020 (The Cabin). « Ce n’est pas parce qu’on n’a pas d’idées. Dans les années 1990, la danse moderne québécoise a exporté plus de shows qu’on n’a exporté de scénarios. »

« Il faut davantage d’incitatifs à l’exportation. Les institutions doivent participer au financement des émissions avec une enveloppe qui récompense l’invention de formats télé. Il faudrait mettre l’exportation au cœur de notre industrie. Sinon, espérer des résultats, c’est comme espérer être en forme sans aller au gym. »

Lisez notre article « Exportation de séries télé québécoises : un rêve américain difficile à atteindre »

Le cas Révolution : ça joue dur

PHOTO FOURNIE PAR LE GROUPE FAIR-PLAY/TVA

Extrait de l’émission Révolution

En plus d’importer très, très peu d’émissions étrangères, les Américains jouent dur avec leurs compétiteurs étrangers.

À l’automne 2018, le Groupe Fair-Play caressait de grands espoirs d’exportation pour Révolution. Avec son système de 128 caméras pouvant créer des images à 360 degrés des danseurs, l’émission en jetait. L’été suivant, comble du hasard, la chaîne Fox annonçait qu’elle rafraîchissait sa compétition de danse vétérane, So You Think You Can Dance, en ajoutant (vous l’aurez deviné) une scène circulaire bordée de lumières et dotée de 120 caméras pouvant prendre des images à 360 degrés des danseurs.

Le Groupe Fair-Play n’a jamais engagé d’action judiciaire contre So You Think You Can Dance ou contre Fox, et l’entreprise a tout de même réussi à exporter son concept dans quelques pays (Russie, Chine, Lituanie), mais n’empêche. Cette situation a certainement ralenti les ventes de Révolution.

Voyez un extrait de So You Think You Can Dance