Pierre Terzian a trouvé l'amour au Québec. Homme de théâtre et écrivain d'origine française, il enseigne aujourd'hui à l'École nationale et travaille à un livre qui parlera de sa découverte de la paix sociale à la québécoise.

Les trois premiers livres de Pierre Terzian, Crevasse (Quidam Éditeur), il paraît que nous sommes en guerre et Le dernier cri (sun/sun), militent pour une plus grande humanité. L'homme de théâtre, qui connaît Montréal depuis sept ans maintenant, est tombé amoureux deux fois. D'une Québécoise d'abord. De Montréal ensuite.

«En visite à Montréal, je suis tombé amoureux. C'était un moment de ma vie où ça tombait bien. Quitter la France n'était pas un problème. Il y a des problèmes structurels en France qui créent une tension permanente. On trouve ici une certaine paix sociale.»

Spécialiste des arts en milieu communautaire, l'écrivain avait l'esprit ouvert en arrivant au Québec. Il a d'abord travaillé en garderie, puis avec des acteurs aveugles.

«Au début, je faisais des allers-retours pour voir ma copine tout en écrivant mon premier roman [Crevasse]. J'ai découvert Montréal peu à peu.

«Les Français ont beaucoup d'a priori schizophréniques à propos du Québec, poursuit-il. D'un côté, il y a un sentiment de supériorité, pour résumer rapidement. Puis, il y a une énorme idéalisation autour d'une espèce d'eldorado où tout est possible. Or, les rapports entre les gens et les relations de travail, c'est très différent.»

En France, Pierre Terzian avait fait du théâtre avec des populations marginalisées, en prison notamment. Il fait profiter ses élèves de cette expérience dans un cours de théâtre engagé à l'École nationale.

«En travaillant dans des milieux défavorisés, je sentais que le ton se durcissait en France. Les tensions étaient très présentes. Je travaillais avec des gens fragiles qui n'étaient pas certains de se rendre jusqu'au bout du processus.»

Sans regret, il écrit. Sans nostalgie, il se réinvente. La bougeotte, c'est de famille, avec un père arménien et une mère danoise qui se sont rencontrés à l'Alliance française.

«Les Français devraient apprendre à connaître la culture québécoise un peu mieux. Ils ont l'idée que c'est une aventure américaine, plus abordable et confortable, moins risquée. Mais pas du tout. C'est une culture en soi, le Québec.»

Publications

Depuis 2011, lors de ses allers-retours, il a terminé un deuxième roman et écrit un opuscule. Son très beau premier roman Crevasse décrit au «tu» la vie difficile d'un personnage caméléon, un marginal atteint d'un mal-être permanent.

«Le livre vient d'un deuil que j'ai eu à faire. Le personnage est loin de l'ami à qui je pensais à ce moment-là, même si c'est un marginal qui est toujours entre les lignes. Il est comme une page blanche où les autres écrivent et qui trouve sa réalité dans le danger.»

Opuscule de 40 pages, il paraît que nous sommes en guerre a été écrit ici «pour ceux avec qui [il n'était] pas», dit-il. Un livre qui s'adresse aux terroristes du Bataclan. Des compagnies de théâtre françaises l'ont sondé à ce sujet. «À la base, j'essayais de comprendre le mal. Ça s'adresse aussi à la France pour essayer de tendre de nouveaux ponts. Le théâtre politique, ce n'est pas simplement transformer les gens grâce à un contenu, c'est se transformer soi.»

(D)écrire le réel

En vente à la galerie Skol, son plus récent livre, Le dernier cri, se déroule à Paris dans le monde de l'art. Dans l'après 11-Septembre, on suit deux artistes, Klaus et Anna, qui tentent de redécouvrir le réel, l'émotion.

«L'argent a récupéré l'art. On a enlevé leurs armes aux artistes. Le grand problème du monde artistique en général aujourd'hui, c'est de ne s'adresser qu'à ceux qui nous ressemblent. On va aller remuer des choses dans un cercle qui n'est pas la réalité. C'est un microcosme artificiel. L'art engagé est malade de naissance. Les artistes partagent une souffrance entre eux. Comment faire pour aller renouveler la raison sociale de notre travail?»

Son prochain bouquin traitera de ses expériences avec les enfants. Titre de travail: Au revoir monsieur caca.

«C'est une somme de paroles d'enfants et de mes expériences en tant que Français découvrant le Québec. Je vais chercher un éditeur québécois. C'est une découverte de la société québécoise à travers les plus vulnérables.»

______________________________________________________

Le dernier cri. Pierre Terzian. sun/sun. 194 pages.

Image fournie par sun/sun

Le dernier cri (2017)