Le vendredi 25 août 1944, quelques heures après la libération de la capitale française par les troupes du général Leclerc, Charles de Gaulle s'adresse à la foule en lançant son célèbre: «Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé, mais Paris libéré! Libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées de la France...»

Or, ce peuple dont parle le futur président incluait aussi les femmes. Elles ont été nombreuses à prendre les armes et à défendre les gens et les institutions contre les derniers soldats allemands en déroute. Auparavant, elles ont été encore plus nombreuses à utiliser leur ingéniosité au sein de la Résistance, que ce soit en cachant des Juifs, en posant des tracts, en collectant de précieuses informations pour les services d'espionnage alliés. Avec, toujours, cette possibilité de se faire prendre et d'y laisser leur vie.

Dans Les Parisiennes, sous la plume de l'historienne Anne Sebba, l'existence des femmes à Paris avant, pendant et après l'Occupation allemande prend vie et se déploie dans toutes les directions. Elle se conjugue en gestes héroïques, ne serait-ce que pour nourrir leur famille, mais aussi en trahisons, parce qu'il y a aussi eu des femmes qui ont collaboré avec l'envahisseur, ce qui a mené certaines à la déchéance nationale.

Mais cela dit, l'auteure de cet ouvrage historique passionnant ne lance la pierre à personne. Au contraire, elle explique qu'il ne faut pas avoir une vision manichéenne de la vie sous l'Occupation. S'il y avait une constante journalière dans la vie parisienne entre 1939 et 1949, c'était bien celle de manger. 

Qu'aurions-nous fait, nous, pour protéger nos proches et les nourrir? Subtilement, l'auteure nous renvoie à cette terrifiante question.

L'ouvrage est le fruit d'un travail extrêmement minutieux et rigoureux. En plus d'avoir écumé des tonnes de documents, l'auteure a mené des dizaines d'entrevues avec des témoins de l'époque. Le fait que certaines des femmes interviewées aient encore aujourd'hui requis l'anonymat illustre combien cette période marquée par la mort, la torture et la souffrance a laissé de profondes séquelles.

Qu'elles soient connues (Hélène Berr, Lucie Aubrac, Irène Némirovsky) ou moins connues (Noor Inayat Khan, Yvonne Oddon), le récit de chacune d'entre elles est si passionnant qu'on lit l'ouvrage en cherchant en parallèle des références sur l'internet pour en connaître plus sur leur destin.

Au-delà de la question de la survie, d'autres histoires racontées ici témoignent des efforts déployés par les Parisiennes pour rester à la mode ou encore préserver la vie culturelle dans la capitale. Ainsi, l'histoire de Rose Valland, une conservatrice qui a sauvé des dizaines de milliers d'oeuvres d'art de la spoliation nazie, est racontée avec éloquence.

Au début de son ouvrage, Anne Sebba souligne qu'après la guerre, on a bien davantage parlé des femmes collaboratrices que des résistantes. Si bien qu'il faudra attendre le XXIsiècle pour que des femmes reconnues pour leurs actes de résistance entrent au Panthéon. Face à ce constat, son ouvrage est d'autant plus pertinent.

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Les Parisiennes. Anne Sebba. La Librairie Vuibert. 446 pages.