MES AUTEURES PRÉFÉRÉES SONT TOUTES MORTES OU DÉPRIMÉES, scande la narratrice de Trente, en grosses lettres, dans ce journal où elle fait le décompte des jours avant d'atteindre ses 30 ans, un deadline insupportable pour qui ne veut pas vieillir.

Dans son firmament personnel brillent les étoiles que sont Nelly Arcan, Elizabeth Wurtzel, Marie-Sissi Labrèche, Sylvia Plath et Michelle Tea, et aussi la ténébreuse actrice Angelina Jolie, à qui elle voue un culte.

Mais comment écrire sa détresse d'être fille, un peu folle, accro à la dope et à la douleur, quand elle estime qu'elle a déjà été décrite par ses idoles inatteignables?

«Je ne fais que répéter ce qui a déjà été dit, mieux dit, par celles qui m'ont précédée, on ne réinvente rien, la roue continue de tourner, mais moi j'aime bien me mettre le doigt dedans, la main au complet dans l'engrenage, plonger dans le bobo jusqu'au coude», écrit-elle, dans cette logorrhée parfois très drôle de Marie Darsigny, qui flirte avec une parodie d'autofiction souffreteuse, tout en étant un hommage très tonifiant aux bad girls de la littérature - et c'est tant mieux, puisque les vieux profs de désespoir ont depuis longtemps leurs fan-clubs.

Tapissé de références à la culture pop, agrémenté de quelques collages, Trente est aussi un éloge de l'anti-bonheur et de la rébellion, pour toutes celles qui dansent, le mascara coulant, sur Only Happy When it Rains de Garbage.

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Trente. Marie Darsigny. Éditions du remue-ménage. 147 pages.