Le dessinateur de la série Les druides, Jacques Lamontagne, vient de lancer sa première bédé à titre d'auteur et illustrateur. Avec Shelton & Felter, qui met en vedette un duo improbable d'enquêteurs, le bédéiste québécois monte seul aux barricades.

Jacques Lamontagne ne pensait pas un jour vivre de la bédé. L'illustrateur publicitaire, qui s'est aussi distingué pour ses couvertures de livres, était comme il dit «bien installé». «J'avais signé une série baptisée Les contes d'outre-tombe pour le magazine Safarir, nous dit-il, mais je ne voyais pas comment je pourrais en vivre au Québec.»

À l'âge de 43 ans, il a eu envie de tenter le coup. «Ç'a toujours été un rêve», admet-il. Après avoir fait un blitz auprès des principales maisons d'édition européennes, en 2004, il a reçu l'appel de Soleil Productions, qui lui a proposé un projet avant de le mettre sur la piste de la série Les druides (scénarisée par Jean-Luc Istin et Thierry Jigourel).

L'histoire, qui se passe à l'époque de l'évangélisation de la Bretagne au Ve siècle, met en scène un druide appelé Gwenc'hlan, chargé d'enquêter sur la mort de moines. «Je ne connaissais rien à la Bretagne et à son histoire, avoue Jacques Lamontagne, mais j'ai embarqué dans le projet et j'ai été bien entouré. Finalement, ça a bien été!»

«Je me suis donné trois ans pour voir si l'entreprise était viable financièrement, puis j'ai abandonné progressivement tous mes contrats en publicité.»

D'autres projets ont suivi: les quatre premiers tomes de la série policière fantastique Aspic, détectives de l'étrange, de Thierry Gloris. Mais aussi Yuna, qu'il a réalisé au scénario avec le dessinateur chinois Ma Yi, avec qui il travaille d'ailleurs en ce moment sur un conte fantastique qui se déroule au Québec.

Aller au front

Shelton & Felter est né de l'imagination de Jacques Lamontagne il y a une dizaine d'années.

«J'avais une assez bonne idée de mes deux personnages principaux. J'avais contacté un dessinateur que j'aimais beaucoup, mais il a abandonné le dessin», détaille-t-il. Après avoir mis le projet en veilleuse pendant quelque temps, le bédéiste s'est tourné vers un ami, Denis Goulet, qui s'est lui aussi désisté...

«Je ne sais pas pourquoi, mais je ne me voyais pas affronter ce défi seul. J'ai toujours travaillé en équipe. J'ai toujours pris ce risque à deux. Mais là, malgré la peur, je me suis lancé. L'avantage, c'est qu'on peut aller là où on veut. Le danger, c'est de se complaire dans son univers, donc il faut aussi être prudent.»

C'est donc avec cette expérience et cette modestie qu'à 56 ans, le très doué scénariste et dessinateur s'est lancé.

Shelton est un ancien boxeur (et ex-débardeur) converti au journalisme. Felter est un petit monsieur (qui rappelle Toulouse-Lautrec) qui possède une librairie. Les deux hommes se retrouveront par hasard sur la scène d'un crime. Épaté par le sens d'observation de Felter, Shelton fera appel au libraire pour enquêter sur une autre histoire de meurtres - et faire avancer sa carrière de journaliste!

Nous sommes à Boston, en 1924, et les meurtres semblent liés à une tragédie survenue cinq ans plus tôt, lorsqu'une immense citerne (de la distillerie Purity) remplie de près de 9 millions de litres de mélasse a explosé, emportant maisons, voitures et passants - une catastrophe qui a vraiment eu lieu et qui a fait 21 morts.

«Je trouve que les histoires qui ont un certain fondement historique sont plus crédibles, nous dit-il. Ça forme une base, un squelette autour duquel on peut construire une fiction. Là, j'ai vraiment voulu faire une série policière familiale. Un récit qui ne se prend pas trop au sérieux, mais qui a une trame policière qui se tient bien.»

Le bédéiste bat le fer pendant qu'il est chaud. Depuis quelques semaines, il a refait équipe avec Thierry Gloris (Aspic) pour réaliser un western appelé Wild West, qui sera publié chez Dupuis en 2018.

Jacques Lamontagne n'a pas l'intention d'en rester là. Il termine déjà le tome 2 de Shelton & Felter - qui se passera à bord de L'Adriatique dans les années 20. Il enchaînera l'an prochain avec le tome 3, toujours dans ce style franco-belge, au nez rond. «J'approfondis la psychologie des personnages. Shelton va un peu sortir Felter, qui est solitaire et hypocondriaque, de sa vie d'ermite. Toujours dans de nouvelles aventures.»

__________________________________________________________________________

Shelton & Felter 1 - La mort noire. Jacques Lamontagne. Kennes. 48 pages.

image fournie par Kennes

Shelton & Felter, 1 - La mort noire