L'équipe des pages Lecture de La Presse a parlé d'un nombre incalculable de livres en 2013. Lesquels sont restés imprimés dans nos mémoires? Voici, toutes origines confondues, les romans - divisés en trois catégories: des gens, des lieux, des voix -, les essais, les livres jeunesse, les polars et les bd qui ont retenu notre attention et qui se sont révélés, selon nous, les meilleures lectures de l'année.

DES GENS

Des personnages forts, des portraits psychologiques saisissants, cette année, plusieurs auteurs ont réussi à capter l'essence de l'humain.

> La classe de madame Valérie de François Blais (L'Instant même)

Quoi? Portraits croisés des élèves d'une classe de 5e année à Grand-Mère en 1990, qu'on retrouve au cégep et à l'âge de 30 ans.

Pourquoi? Pour son côté ambitieux, son humanité cachée sous une couche de dérision et le sens du détail qui tue d'un auteur discret au sommet de son art. - Josée Lapointe

> Mãn de Kim Thuy (Libre Expression)

Quoi? Une mère de famille vietnamienne vivant à Montréal tombe amoureuse d'un Français, marié aussi.

Pourquoi? Parce que derrière ce simple synopsis se trouve un roman d'une extrême délicatesse sur l'immigration, les souvenirs, la bouffe, l'amitié, la passion et le renoncement. - Josée Lapointe

> Pomme S d'Éric Plamondon (Le Quartanier)

Quoi? Dernier tome de la trilogie axée sur l'année 1984 créée par Plamondon, après Hongrie-Hollywood Express et Mayonnaise.

Pourquoi? Parce que c'est notre préféré, puisque toutes les ficelles sont rattachées, sous la figure christique de Steve Jobs. Et qu'on y trouve un éloge de la filiation et du pouvoir de la fiction. - Chantal Guy

> Le corps humain de Paolo Giordano (Seuil)

Quoi? Le passage à l'âge adulte d'une troupe de jeunes soldats en mission de paix en Afghanistan.

Pourquoi? La guerre vue de l'intérieur dans un roman choral dense, magnifiquement écrit, d'un jeune auteur (31 ans) d'une impressionnante maturité. - Andrée Lebel

> Une fille, qui danse de Julian Barnes (Mercure de France)

Quoi? Un sexagénaire est forcé de voir sous un autre angle sa participation à un événement dramatique survenu pendant sa jeunesse.

Pourquoi? Ce roman mélancolique est le fruit d'un auteur mûr qui pèse la signification de chaque phrase. L'art de parler de soi et de la vie en allant à l'essentiel. - Josée Lapointe

> Lettre à Helga de Bergsveinn Birgisson (Zulma)

Quoi? Avant de mourir, un homme écrit à celle qui a été sa maîtresse à la fin des années 30, dans la campagne islandaise.

Pourquoi? Ce court roman en forme de lettre d'amour est empreint de poésie et de sincérité et nous fait aussi voyager en Islande. À lire et à relire. - Andrée Lebel

> Écoute la pluie de Michèle Lesbre (Héliotrope)

Quoi? Une femme rate son rendez-vous amoureux parce qu'un homme se suicide sous ses yeux dans le métro.

Pourquoi? Parce que l'auteure nous offre une superbe réflexion sur le temps et sur l'amour. - Chantal Guy

> Remèdes pour la faim de Deni Y. Béchard (Alto)

Quoi? Les 20 premières années de la vie de Béchard, né en Colombie-Britannique d'un père québécois voleur de banque et d'une mère américaine granola et ésotérique.

Pourquoi? Des «mémoires» superbement écrites sur le goût du danger, l'importance des sacres, la pêche au saumon, la colère... et la littérature comme rédemption. - Marie-Christine Blais

> Le plus petit baiser jamais recensé de Mathias Malzieu (Flammarion)

Quoi? Un inventeur dépressif rencontre une fille qui disparaît quand il l'embrasse, et part à sa recherche.

Pourquoi? Pour l'originalité de l'intrigue et de l'écriture. Un petit livre qu'on lit d'une traite, le sourire aux lèvres. - Andrée Lebel

> Canada de Richard Ford

Quoi? Au début des années 60 au Montana, un ado dont les parents ont commis un hold-up doit se réfugier au fin fond de la Saskatchewan.

Pourquoi? Pour la justesse psychologique, le malaise ambiant, la profondeur du propos sur le poids de l'héritage familial et la puissance de l'ensemble. - Josée Lapointe

DES LIEUX

La littérature a cette capacité de nous faire voyager sans bouger de notre salon. Voici six romans qui nous ont littéralement transportés cette année.> Le quatrième mur de Sorj Chalandon (Grasset)

Quoi? En 1982, en pleine guerre du Liban, un jeune metteur en scène français essaie de monter Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth.

Pourquoi? Un plaidoyer pour la paix dont on ne sort pas indemne parce qu'il décrit la guerre en soi (Goncourt des lycéens 2013). - Marie-Christine Blais

> Narcopolis de Jeet Thayil (Boréal)

Quoi? Un premier roman littéralement stupéfiant: la vie d'un jeune opiomane à Bombay pendant les années 70 et 80 - pensez Trainspotting, mais en Inde.

Pourquoi? Roman d'amour (!) protéiforme sur la vie trash d'opiomanes et d'héroïnomanes, la corruption, la religion, le sexe, la mort. Entre autres... - Marie-Christine Blais

> Transatlantic de Colum McCann

Quoi? Un mélange de fiction et d'histoire qui court sur un siècle à travers six récits comme autant de ponts lancés entre l'Amérique et l'Irlande.

Pourquoi? Parce que les mots s'y font musique et la structure, architecture somptueuse et brillante. - Sonia Sarfati

> Le peintre d'éventail de Hubert Haddad (Zulma)

Quoi? La vie d'un jardinier, sur fond d'éléments ancestraux du Japon (pagodes, jardins, haïkus) et de réalité contemporaine (tremblement de terre de Kobe en 1995, tsunami de Fukushima de 2011).

Pourquoi? Un roman si remarquablement écrit que lecteurs voraces comme amateurs de jardins ralentissent la cadence de leur lecture pour mieux le savourer. - Marie-Christine Blais

> Le tango de la vieille garde d' Arturo Pérez-Reverte (Seuil)

Quoi? Buenos-Aires, Nice et Sorrente. Trois lieux, trois époques, trois rencontres marquantes. Des moments de passion, des trahisons, des complicités.

Pourquoi? L'intrigue complexe pleine de chassés-croisés temporels. Perez-Reverte sait manipuler et émouvoir son lecteur tout en le faisant réfléchir sur le sens des valeurs selon son appartenance de classe. - Rudy Le Cours

Transatlantic

DES VOIX

Un ton personnel, une vision du monde, ces auteurs ont réussi à faire entendre leur voix à travers la multitude.

> Pourquoi Bologne d'Alain Farah (Le Quartanier)

Quoi? Une méta-autofiction qui se déroule à la fois en 1962 et en 2012, dans l'univers halluciné et hallucinant d'un narrateur qui doit raconter des histoires pour s'en sortir.

Pourquoi? Parce que c'est le roman québécois le plus original et le plus audacieux de l'année. - Chantal Guy

> Jeanne chez les autres de Marie Larocque (Tête première)

Quoi? Le journal intime des 7 à 20 ans de Jeanne, élevée dans un univers poqué et foisonnant, dans le Plateau Mont-Royal des années 70.

Pourquoi? Un premier roman à la fois personnel, social, cruel, hilarant, «multipoqué», lumineux, déstabilisant et poignant par l'énergique blogueuse Marie Larocque. - Marie-Christine Blais

> Les novellas du Quartanier

Quoi? Oui, on triche un peu: 10 novellas publiées par Le Quartanier pour célébrer ses 10 ans.

Pourquoi? Les plumes de Samuel Archibald, Alexie Morin, Raymond Bock et compagnie ainsi alignées dans un même projet font un portrait générationnel bouillonnant et convaincant de la bonne santé de notre littérature. Inégal mais brillant.  - Josée Lapointe

> L'orangeraie de Larry Tremblay (Alto)

Quoi? Un roman sur l'enfance et la guerre. Un père doit choisir entre ses deux fils, jumeaux, lequel se transformera en bombe humaine.

Pourquoi? Un roman d'une incroyable efficacité, qui va à l'essentiel et qui n'est pas sans rappeler le tour de force du Grand Cahier d'Agota Kristof. - Chantal Guy

> Les couplets de Claire Castillon (Grasset)

Quoi?Trente-six nouvelles cruelles sur le couple, chacune avec une chute à la hauteur des ratés spectaculaires de ses protagonistes.

Pourquoi? Parce que cracher son venin avec autant de panache, même par procuration, fait un bien monstrueux. - Sonia Sarfati

> Depuis toujours de Madeleine Gagnon (Boréal)

Quoi? Autobiographie littéraire de l'une des voix les plus importantes de la littérature québécoise.

Pourquoi? Parce que sous la plume de Madeleine Gagnon, c'est plus que le récit d'une vie, c'est le portrait de toute une génération qu'on trouve. - Chantal Guy

> Tremblement de mère de Diane Lavoie (Flammarion Québec)

Quoi? Récit autobiographique absolument pas politiquement correct sur l'adoption d'un enfant, la dépression et la détresse extrême, écrit par une mère adoptive seule célibataire professionnelle quadragénaire...

Pourquoi? Écriture «punchée», intégrité décapante, histoire vécue, récit bouleversant et abrasif sur les fondements mêmes de la maternité-paternité par une mère pourtant atypique. - Marie-Christine Blais