En 1937, un jeune séminariste imbu d'humanisme et amant des livres a commencé à publier une revue pour orienter les jeunes Canadiens français vers de «bonnes et saines lectures». Sans le savoir - ou peut-être le pressentait-il -, Paul-Aimé Martin venait d'écrire avec Mes Fiches les premières lignes de l'un des plus importants chapitres de l'histoire de l'édition québécoise.

Alors que la plupart de ses concurrents ont à peine 50 ans, Fides célèbre ce mois-ci ses 75 ans. Au cours de ces trois quarts de siècle, Fides - qui veut dire «foi» dans sa première acception latine - a été éditeur, bien sûr, mais aussi imprimeur, libraire et grossiste-importateur. Sous le leadership du père Martin, qui a dirigé la maison pendant 40 ans, les librairies Fides ont desservi le Canada français d'Edmundston à Winnipeg et tenté, à grands frais, d'établir une tête de pont pour notre littérature «nationale» à Paris. Avec peu de succès.

Généraliste d'approche, quoique avec une propension marquée pour les écrits religieux, Fides n'a cessé de travailler à la constitution d'un fonds «patrimonial» qui s'est décliné en de multiples collections; on ne compte plus les éditions d'Adagio, d'Allegro et d'Andante, la trilogie contes-fables-poèmes (1943-44) de Félix Leclerc, la première vedette de Fides. Sur le même rayon, des poèmes d'Hector de Saint-Denys Garneau, Le Survenant de Germaine Guèvremont et L'appel à la race de Lionel Groulx, auxquels viendront s'ajouter plus tard les romans jeunesse d'Henriette Major et les essais de Guy Frégault, Pierre Vadeboncoeur ou Jacques Grand'Maison. Et les 41 volumes de l'Histoire de la province de Québec de Robert Rumilly.

«Fides reste un éditeur généraliste», lance Guylaine Girard, qui a été nommée directrice de l'édition l'an dernier, après que les Éditions Saint-Martin (Coopsco) et Stéphane Lavoie eurent fait l'acquisition, de la communauté de Sainte-Croix, du nom et du fonds de Fides, alors en faillite. «Nous publions moins de titres religieux mais plus de livres sur la spiritualité», dira l'éditrice qui, après 25 ans dans la maison, voit sa promotion récente s'inscrire dans un mouvement de «continuité évolutive».

Pour rester «près de ses publics», Fides s'investit aussi dans le mieux-être, avec des auteurs comme le psychothérapeute Jacques Ross qui, après Le défi d'éduquer, prépare un ouvrage sur les âges psychologiques de l'adulte. Et pour faire «dans le goût du jour», la vénérable maison s'apprête à lancer un Atlas de la littérature québécoise, que les amants des lettres placeront à côté du Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec, pilier «historique» de Fides avec l'Histoire de l'édition littéraire au Québec, dirigé par Jacques Michon, et l'Histoire sociale des idées au Québec d'Yvan Lamonde, des sommes indispensables.

Fides, nous dit encore Mme Girard, va continuer à publier, au rythme de cinq, six par année, des récits et des romans de jeunes auteurs comme Whisky berbère de Marie-Ève Martel et des traductions comme Les Suites pour violoncelle seul d'Eric Siblin. Au programme aussi, des ententes de mise en marché avec des maisons étrangères; celle conclue avec les Éditions des Deux Terres nous amènera en août prochain le roman Désaccords mineurs de la Britannique Joanna Trollope.

Finalement, Guylaine Girard met ses plus grands espoirs dans la nouvelle série de poche Biblio, «un débouché naturel» pour Fides qui, dans sa nouvelle vie, exploite une division appelée Fides Éducation (ex-St-Martin) , spécialisée dans les ouvrages d'enseignement collégial et universitaire. Premier titre de Biblio Fides: Les yeux de Maurice Richard de Benoît Melançon, prix Marcel-Couture 2006 du Salon du livre et déjà un «classique canadien».

FIDES EN CINQ DATE

1941

Fides publie son premier livre: Mon fiancé, dans la collection Face au mariage qui comptera bientôt 23 titres, la plupart signés Gérard Petit, un père de Sainte-Croix qui quittera les ordres en 1950.

1944

La réédition du roman Menaud, maître-draveur, de Mgr Félix-Antoine Savard, est le premier titre de la Collection du Nénuphar de Fides, collection patrimoniale de «classiques canadiens» qu'on appellera plus tard la «Pléiade québécoise»; suivra en 1945 Poésies d'Émile Nelligan.

1960

Fides lance la première collection de poche du Québec, Alouette, dont la série Bleue deviendra La Bibliothèque canadienne-française puis La Bibliothèque québécoise; propriété commune depuis 1988 de Leméac, Hurtubise et Fides (qui s'est retirée l'an dernier), BQ compte plus de 225 titres.

1978

Publication du tome 1 du Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec, premier pas vers l'établissement d'un corpus qui, en suivant l'évolution de la notion de littérature, vient de s'agrandir d'un 8e volume (1986-1990).

2011

Lancement du premier des Cahiers Fernand Dumont, consacrés à l'oeuvre du sociologue et essayiste (1927-1997), l'un des plus brillants penseurs de l'histoire du Québec. L'après-titre des Cahiers définit un peu, par ailleurs, une des missions de Fides: Pour l'avenir de la mémoire.