Killybegs, Irlande, 24 décembre 2006. Tyrone Meehan est de retour dans la maison de son enfance. Seul, il sait qu'il sera puni par ses compagnons d'hier. Car Meehan, républicain dans l'âme et dans les tripes, a trahi la République. Pendant 20 ans, il a collaboré avec le MI5, tout en étant une figure héroïque de l'IRA. Tyrone sait qu'il va mourir. Il entame son journal, une confession sur sa trahison. «Si je parle aujourd'hui, c'est parce que je suis le seul à pouvoir dire la vérité. Parce qu'après moi, j'espère le silence», écrit-il.

Dans Mon traître, Sorj Chalandon racontait comment Antoine, luthier français, avait appris la trahison de Tyrone Meehane. Dans Retour à Killybegs, qui fait partie des quatre derniers finalistes pour le prix Goncourt, il inverse les points de vue. Et cherche à comprendre, ou plutôt, imagine, comment un républicain convaincu peut trahir son camp. Tyrone Meehane convoque les souvenirs: ceux de l'enfance, de la prison, des privations, de la grève de la faim, de la mort de Bobby Sands.

Grand reporter, Sorj Chalandon a lui aussi l'Irlande tatouée sur le coeur. L'histoire d'Antoine et de Tyrone est aussi la sienne: pendant 20 ans, son ami, Denis Donaldson, a trahi l'IRA. Le journaliste cherche à comprendre, et espère, avec Retour à Killybegs, «partager le drame du traître».

On peut aborder ce Retour à Killybegs avec crainte: le narrateur est si éloigné de l'auteur que le roman pourrait perdre en authenticité. La description de la grève de la faim à la prison de Maze ressemble au détail près à la reconstitution qu'en avait faite Steve McQueen avec son film Hunger. Or, parce que ce drame est aussi celui de Sorj Chalandon, et parce qu'il continue, malgré lui, à aimer le traître, Retour à Killybegs est un roman éminemment personnel. Ce retour sur un drame personnel est aussi un retour sur un drame collectif. Tragique.

Retour à Killybegs

Sorj Chalandon

Grasset, 334 pages

*** 1/2