Si le road trip implique un sentiment de liberté, celui du narrateur de Rouler s'achève dès la deuxième page: «Je commençais à penser à une limite», écrit-il.

Son projet est minimal: «Faire en sorte que le décor autour de moi ne cesse plus de changer.» Un cadre propice à son errance mentale, habitée de cogitations sur un sens impossible à trouver et l'intuition de partager sa condition avec d'autres: «Je me prenais à me demander combien on était comme ça, lancés au hasard sur des trajectoires absurdes.» Le style faussement plat de Christian Oster donne vie à un homme farouchement seul au milieu des autres, dont la présence lui est nécessaire, mais insupportable parce que contraignante. Le long de cette route absurde, l'impassibilité du narrateur dans le compte rendu de ce qu'il voit, entend, vit et ressent provoque peu à peu le sourire, puis le rire. Le ton se fait de plus en plus ironique, sensible à l'atmosphère déprimante d'un centre commercial, l'ennui d'une petite ville et surtout, la médiocrité d'une conversation. Il est vrai que ce regard désenchanté a de quoi rendre misanthrope, mais peut-être est-ce son sens comique involontaire, non dénué d'humanisme, qui permet au narrateur, finalement, de renouer le lien avec ses semblables.

Rouler, Christian Oster, Éditions de l'Olivier, 176 pages, Cote: ****