Le pouvoir des amitiés est grand, croit Camille Toffoli. « Elles ont le potentiel de transformer le monde dans lequel nous évoluons », écrit-elle dans S’engager en amitié, essai destiné aux adolescents et aux jeunes adultes. Comment ? Notre journaliste en a discuté avec elle.

« Les amitiés sont souvent des relations qui nous aident à devenir de meilleures personnes », soutient Camille Toffoli. Pour l’autrice de l’essai féministe lauréat d’un Prix des libraires Filles corsaires, plus on coexiste avec des gens, plus on apprend à se connaître soi-même.

« Quand on est dans l’interaction profonde, dans le partage, dans l’exposition de ses vulnérabilités avec différentes personnes, ça nous permet de comprendre la complexité de la personne qu’on est et de défaire ses réflexes. […] On a une meilleure conscience de nos propres écueils, de nos propres angles morts », explique-t-elle.

Or, malgré ce qu’elles peuvent apporter, les amitiés sont reléguées au second plan dans la vie de nombreuses personnes. Le couple (puis la famille) et le travail viennent tour à tour gruger le temps qu’on consacrait, enfant, à l’amitié. Camille Toffoli note que ce changement se produit souvent à l’adolescence, d’où son envie d’aborder le sujet dans S’engager en amitié, essai qui fait partie de la nouvelle collection d’Écosociété Radar, pensée pour les 15 à 19 ans, mais qui rejoindra assurément un public plus large.

À travers son expérience personnelle, mais aussi grâce aux témoignages de colocataires, d’adeptes de roller-derby et d’autres groupes d’amis, Camille Toffoli défend l’idée que la société gagnerait à accorder une plus grande place aux amitiés.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Camille Toffoli

Notre système est fondé sur la primauté du couple et de la famille. C’est un modèle qui sert l’économie. On dit aux gens que la meilleure manière de vivre, c’est en couple, en famille, d’avoir son petit espace, ses petites affaires, ses petites dépenses. On nous conditionne vraiment à ça.

Camille Toffoli

Habiter en colocation avec des amis n’est pas présenté comme un idéal à atteindre, donne-t-elle en exemple dans le livre. Pourtant, ce mode de vie a ses avantages.

« Ça peut être une manière de lutter contre la précarité économique dans laquelle on est plongés en ce moment. […] À Montréal, ça coûte tellement cher. Même dans la trentaine, on a de la misère à se payer un loyer. Comment est-ce qu’on s’attaque à ce problème-là ? Peut-être que de voir les choses de façon un peu moins individualiste, de baser notre futur sur un partage des ressources et des énergies, ça peut être une manière de mieux vivre », réfléchit-elle.

Place à la sororité…

Dans son essai, Camille Toffoli parle beaucoup des bienfaits de l’amitié, mais elle met également en lumière quelques côtés plus sombres, notamment au sujet des relations entre filles. Combien de films et de téléséries dépeignent des situations dans lesquelles des amies sont jalouses l’une de l’autre ou tombent dans la médisance, soulève-t-elle dans son livre.

C’est prouvé que quand des personnes se sentent marginalisées ou stigmatisées, il y a un mécanisme de survie qui fait que les gens vont se montrer du doigt parce qu’ils ont l’impression qu’il n’y a pas de place pour tout le monde.

Camille Toffoli

« […] Les filles ont l’impression qu’il faut qu’elles soient la plus cute, la plus belle, la plus désirable [pour] aller chercher l’approbation des gars », affirme Camille Toffoli.

L’autrice souhaiterait que la sororité remplace cette rivalité. Comment y parvenir ? « La force la plus grande qu’on peut avoir, c’est de se trouver belles, intéressantes et merveilleuses entre filles aussi », répond-elle.

… et aux amitiés profondes

Les garçons rencontrent également certains obstacles dans leurs relations amicales. « [Ils] ont en moyenne plus de difficulté que les filles à entretenir et à approfondir des amitiés », écrit Camille Toffoli dans son essai. Pourquoi ? « Je pense que, de manière générale, dans notre éducation sexiste, les gars sont moins conditionnés à montrer leur vulnérabilité. Il y a encore une dichotomie. Les filles sont socialisées à développer des aptitudes relationnelles jeunes à travers les jeux de rôle. […] Les garçons sont moins conditionnés à développer les qualités qui font qu’on devient un bon ami. Se montrer sensible, vulnérable, à l’écoute, ce sont quand même des choses qui font qu’on peut tisser des liens serrés avec quelqu’un », répond l’autrice.

Elle invite d’ailleurs les adolescents à oser poser des questions à leurs amis afin d’approfondir leurs relations. « Ça a l’air très b.a.-ba, mais c’est comme ça souvent qu’on “tombe” en amitié, pour reprendre la syntaxe de “tomber en amour”. Qu’est-ce qu’on fait quand on va sur une date pour que ça marche ? On va poser des questions à la personne. Il y a ça aussi dans l’amitié. C’est comme ça que, mutuellement, on se révèle. »

Radar, des essais pour les jeunes

Pour souligner son 30e anniversaire, la maison d’édition Écosociété a lancé Radar, nouvelle collection d’essais destinés aux 15 à 19 ans. En plus de S’engager en amitié, GAFAM, le monstre à cinq têtes est paru ce mois-ci. Dans ce livre, l’enseignant Philippe Gendreau invite les jeunes à réfléchir à l’impact qu’ont les géants du web sur la société. Comment collectent-ils les données personnelles des utilisateurs ? Que font-ils avec celles-ci ? Pourquoi est-ce préoccupant ? Un essai instructif pour les adolescents… et leurs parents.

S’engager en amitié

S’engager en amitié

Écosociété

Dès 15 ans