Sept heures et quart, Aline monte dans l’autobus, un beau voyage en groupe organisé, comme tous les matins. La jeune femme que raconte Jules Clara dans Von Westmount compte parmi ces millions de gens qui, chaque jour, essuient les petites humiliations d’un patron médiocre, d’un système de transports en commun déficient et d’une existence entière passée à sourire béatement aux autres, sans se plaindre.

Avant de mettre le feu au Marché de Noël du centre-ville, où elle sert du vin chaud à des touristes plus ou moins agréables en espérant de généreux pourboires, l’étudiante aux abois se jette sur l’occasion de devenir la nounou de Clémentine, l’enfant d’une famille russe très fortunée, installée dans Westmount.

Fable caustique sur les dynamiques de classes, qui continuent de se traduire dans l’organisation de l’espace urbain, ce deuxième roman de Jules Clara (après Parenthèse suisse en 2020) conjugue l’apesanteur duveteuse d’un rêve étrange et la dureté d’une ville où tout conspire à écraser certains de ses citoyens.

Critique mordante du progressisme de façade des ultra-riches, qui précèdent leurs opulents 5 à 7 de discours de reconnaissance territoriale, Von Westmount oscille entre un ton satirique et un fond de vive colère devant toutes ces soumissions sur lesquelles repose l’organisation de notre société. Des soumissions que plus personne n’ose nommer ainsi, au risque d’être accusé de vouloir démanteler le capitalisme.

Porté par une écriture d’une élégance vénéneuse, qui distille au goutte-à-goutte le poison de son regard implacable, Von Westmount est un de ces trop rares romans refusant de fournir à son lecteur l’apaisement d’une petite lueur d’espoir, qui nous permettrait de nous bercer de la certitude que nous ne faisons pas partie du problème. Sous son vernis tragicomique, voici un des livres les plus punks de l’année.

Von Westmount

Von Westmount

La Mèche

180 pages

7,5/10