Depuis l’automne dernier, un livre chrétien fait un malheur en France. Dieu, la science, les preuves – L’aube d’une révolution entend démontrer que la science du XXe siècle a démantelé les arguments scientifiques niant l’existence de Dieu. Explications et critiques.

« Pendant des siècles, la progression de la science a conforté la croyance matérialiste que Dieu n’existait pas, explique Olivier Bonnassies, coauteur du livre, en entrevue. Mais depuis un siècle, les nouvelles connaissances montrent que non seulement il est possible que Dieu ait créé l’univers, mais même que c’est nécessaire. »

Parmi les « preuves scientifiques » que décrit M. Bonnassies, le Big Bang. « Qu’est-ce qu’il y avait avant ? Il a bien dû y avoir une cause. Pendant un certain temps, des physiciens ont avancé qu’il y avait des cycles avec une expansion de l’univers à partir du Big Bang, puis une contraction menant à un Big Crunch. Mais l’idée du Big Crunch est maintenant abandonnée parce qu’on a montré il y a 20 ans que l’univers était toujours en expansion. »

Ensuite, il y a le « réglage fin » des constantes astrophysiques de l’Univers, par exemple la gravité. Sans ces constantes précises, la vie est impossible, ce qui, pour des croyants comme M. Bonnassies, ne peut être dû au hasard.

PHOTO FOURNIE PAR LES ÉDITIONS TRÉDANIEL

Olivier Bonnassies

Soit il y a des millions d’univers parallèles avec des constantes astrophysiques ne permettant pas l’apparition de la vie, soit ces constantes ont été créées par Dieu.

Olivier Bonnassies, coauteur de Dieu, la science, les preuves – L’aube d’une révolution

Genèse

Il traite aussi de la Genèse, souvent citée comme l’exemple même du caractère non scientifique de la foi. « Dieu commence par créer le ciel et la terre, puis la lumière, dit M. Bonnassies. C’est le bon ordre du Big Bang : premièrement, le temps apparaît, puis la matière, puis la lumière. »

L’enthousiasme de M. Bonnassies a trouvé un écho chez son coauteur Michel-Yves Bolloré, ingénieur et entrepreneur, membre de la célèbre famille française Bolloré, qui possède notamment plusieurs médias écrits, radios et télévisés, aussi réputée très croyante.

La foi de M. Bonnassies, qui a aussi publié deux livres sur la Vierge Marie, est arrivée sur le tard. « J’ai créé des entreprises, j’ai gagné de l’argent, puis je me suis demandé à quoi tout cela servait. Un gars d’une partie de ma famille qui est catholique m’a prêté un livre, Y a-t-il une vérité ?, de Jean Daujat [philosophe catholique aujourd’hui décédé dont l’ouvrage a paru en 1974]. Je me suis dit : je vais trouver une faille en cinq minutes. J’ai fini par faire quatre ans de théologie. Puis j’ai fait une vidéo YouTube parce que mes enfants avaient un prof qui était contre la religion. Michel-Yves Bolloré m’a contacté et m’a dit qu’on pouvait faire beaucoup mieux. »

Deux critiques québécois…

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE L’UQAM

Yves Gingras

Yves Gingras, spécialiste de l’histoire des sciences à l’UQAM, estime que les arguments du livre ne sont pas nouveaux. « C’est du concordisme », dit-il, en référence aux nombreuses tentatives à partir du XIXe siècle de réinterpréter les dogmes religieux pour qu’ils concordent avec les avancées scientifiques. « Avant le Big Bang, on ne sait pas ce qu’il y avait, mais on n’a pas besoin d’un Dieu pour l’expliquer. Si la science prouve la religion, on n’a plus besoin d’avoir la foi. Or, croire, c’est justement avoir la foi. » M. Gingras note en outre que le livre est publié par Trédaniel, une maison d’édition spécialisée dans l’ésotérique.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DES SCEPTIQUES DU QUÉBEC

Michel Belley

Michel Belley, président des Sceptiques du Québec, souligne qu’en science on ne peut appeler théorie qu’une idée qu’il est possible de tester. Or, l’existence de Dieu est impossible à tester. « En plus, l’idée de Dieu varie d’une personne à l’autre, c’est un concept très mal défini. » Pour ce qui est du « réglage fin », c’est l’équivalent du « Dieu des trous ». « Les constantes physiques, on les mesure, on les constate. Pourquoi les imaginer différentes ? On cherche des trous dans les explications scientifiques, puis on s’imagine que ces trous montrent l’existence de Dieu. »

… et les regrets d’un scientifique

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE L’UNIVERSITÉ HARVARD

Robert Wilson

« Ce livre est une très bonne présentation du développement de la théorie du Big Bang et de son impact sur nos croyances », écrit en préface du livre de M. Bonnassies le Prix Nobel de physique américain Robert Wilson. Mais on ne lui avait pas donné à lire la deuxième partie du livre, qui affirme que l’Univers a été créé par Dieu. « Je ne crois pas que ce soit une conclusion logique, dit M. Wilson en entrevue avec La Presse. Je regrette d’avoir été impliqué dans ce projet. »

Prosélytisme

La deuxième partie du livre, celle que n’avait pas lue M. Wilson, est franchement chrétienne. Et même judéo-chrétienne, avec une longue exposition sur le fait que les Juifs de l’Antiquité avaient des connaissances scientifiques surprenantes et qu’ils sont la seule civilisation antique à avoir traversé les siècles avec la même langue et les mêmes croyances jusqu’à maintenant. Cette section comprend même un long plaidoyer en faveur de la véracité du miracle de Fatima, cette série d’apparitions de la Vierge Marie à de jeunes bergers portugais en 1917, culminant en une « danse du soleil » devant une foule de milliers de personnes. « Si c’est un phénomène météorologique rare, il est miraculeux d’en avoir prédit le moment exact plusieurs mois à l’avance », dit M. Bonnassies. Benjamin Radford, journaliste américain qui a publié en 2013 une analyse du miracle de Fatima sur le site Livescience, tempère l’enthousiasme de M. Bonnassies. « On a en effet des dizaines de témoignages de gens qui parlent de choses étranges avec le soleil, dit M. Radford. Mais qu’en est-il des milliers de gens qui n’ont pas témoigné ? Et les témoignages diffèrent légèrement les uns des autres. Certains parlent de danse, d’autres d’agrandissement du soleil, de zigzags, de rayonnements en spirale. Ce qui est sûr, c’est que la bergère à un certain moment a crié de regarder le soleil et que plusieurs personnes ont cru voir quelque chose. »

Dieu, la science, les preuves – L’aube d’une révolution

Dieu, la science, les preuves – L’aube d’une révolution

Trédaniel

577 pages

Olivier Bonnassies sera à la Maison diocésaine de formation à Québec le 30 avril et à la Librairie Paulines à Montréal le 2 mai.