Il existe des livres qui camouflent ce que leur écriture a coûté à leur auteur, et d’autres dont la force tient plutôt à ce qu’ils placent au cœur du texte leurs propres difficultés à dire sans cliché ce qu’ils tentent de nommer. Jardin radio, prenante première parution de Charlotte Biron, appartient à cette seconde catégorie.

Aux prises avec une tumeur à la mâchoire, la narratrice de ce récit écrit moins « l’histoire d’une tumeur », comme elle le précise, que celle d’un corps qui prend pour la première fois pleinement conscience de lui-même au moment où tombe le diagnostic. Habitée par toutes les voix que crache sa radio, des voix sans corps, la jeune femme se prend à rêver à une existence délestée du poids que représente cette enveloppe dans laquelle nous nous déplaçons. « Ma voix n’aurait jamais plus de comptes à rendre au corps. »

Si Jardin radio est un livre de combat – ce mot que l’on emploie ad nauseam pour désigner l’attitude optimale à adopter face à toute forme de problème de santé grave –, il ne s’agit pourtant pas d’un combat pour rester en vie. Parlons plutôt d’un combat contre le langage lui-même, dont Charlotte Biron doit se méfier afin que son vocabulaire ne soit pas noyauté par toutes ces métaphores, euphémisantes ou guerrières, qui semblent mal traduire le temps dilaté et anxiogène des traitements.

« Contrairement à d’autres sensations, il n’y a pas beaucoup de synonymes pour le mot douleur. Mes notes sur le sujet sont laconiques », observe celle qui parvient à ne pas laisser ses phrases se faire envahir par ces formules toutes faites, et donc fictives, qui suggèrent que la souffrance physique et la solitude sont des lieux dont on revient un jour complètement.

Avec une absence totale de pathos, Charlotte Biron signe un des livres les plus émouvants de l’année.

Jardin radio

Jardin radio

Le Quartanier

136 pages

8/10