C’est un premier roman empreint de poésie. Aux textes courts, mais d’une lucidité désarmante ; émaillés de phrases d’une beauté saisissante par leur simplicité : « Les difficultés ne t’apprennent pas la résilience, elles te brisent les jambes. » « Il y a trop longtemps que vous vivez à distance, sans autre lien que le souvenir d’avoir marché du même pas. »

On pourrait en souligner bien d’autres tout au long de cette prose rythmée et élégante qui suit les traces de Naïma, une jeune adulte terrifiée « dont l’existence se résume à des stratagèmes pour éviter de souffrir ». Qui s’éteint un temps dans un bureau, plutôt que de poursuivre ses projets artistiques. Qui se cherche, vit les grèves étudiantes à l’université, avant de perdre la foi en ses études puis d’abandonner finalement son bac et de prendre la route pour se rendre jusqu’aux Îles-de-la-Madeleine… et finit par retourner à son point de départ pour se faire happer par la dépression – « celle de […] toutes les femmes dépassées par une histoire plus grande qu’elles ».

Face à elle, dans toutes ces étapes, son amie Delphine n’est jamais bien loin ; celle avec qui elle a grandi et joué aux « filles terribles de la banlieue », mais qui décide ultimement d’emprunter une voie aux antipodes de la sienne.

En somme, quelle est la définition de l’accomplissement ? C’est ce que Naïma cherche à découvrir au fil de ses errances, tout en essayant de trouver ce que cela signifie que de devenir adulte et de donner un sens à ses élans artistiques.

À la recherche d’un refuge « où retourner après la compagnie des autres », d’un ancrage pour se retrouver, Naïma se perd avant qu’un espoir inattendu ne lui ouvre enfin une porte : une résidence d’artiste en Islande qui arrive comme un nouveau souffle, au moment où, à 32 ans, elle envisageait la possibilité de ne jamais réussir à accomplir quoi que ce soit qui en vaille la peine.

Comme une sorte de mythe de Sisyphe moderne, ce récit offre un instantané de ces idéaux de jeunesse qui naissent et se révoltent, avant de finir par se soumettre. Et laisse entrevoir une nouvelle plume prometteuse, à suivre.

Sans refuge

Sans refuge

Cheval d’août

184 pages

7/10